État de droit contre force sauvage
Loufoque, mais surtout brutal, le 47e Président des États-Unis a ébranlé l’ordre international en un peu plus de dix jours.

Elon Musk soutient toutes les extrêmes-droites. Ses partisans jubilent, quand il démantèle d’un trait de plume l’agence fédérale d’aide au développement, plongeant des dizaines d’États dans l’inconnu et la précarité. Avec Trump, la paire frappe au nom d’une vision d’une Amérique MAGA fantasmée. Pourtant, l’Europe a les moyens de les contrer si elle reste unie autour des valeurs à l’origine de sa création et de sa puissance.
L’incendiaire, est aussi dangereux pour Washington et la planète que ne le fut Néron pour Rome et son empire. Ses guerres commerciales, engagées, suspendues, reprises ou non, à coup d’augmentations des droits de douane relèvent d’une lourde régression dont tous auraient à souffrir. Canadiens, Mexicains, Européens, Chinois mais aussi États-uniens. Trump n’en disconvient même plus. Une taxation de 10 % entraine mécaniquement 1% d’inflation sur les prix importés. À 25 %, on revivrait les effets de la pandémie de la Covid 19 provoquant contraction du commerce mondial et réduction du potentiel de croissance de la planète.
Petite musique dérangeante, certains invoquent les pratiques d’un adepte du deal rugueux, âpre au gain, mais sachant ne pas aller trop loin. Le portrait du maquignon madré ne tient pas. Trump ne fut jamais un investisseur avisé, ni même un capitaine de l’industrie immobilière, mais un fraudeur invétéré et un gestionnaire douteux. Il dispose surtout de moyens militaires considérables qu’une élection improbable a mis entre ses mains par-delà la résilience de l’appareil d’État d’une démocratie comme les États-Unis. L’Europe, elle, ne saurait se défendre que « si elle était attaquée » comme le dit Macron, mais elle doit se porter en première ligne pour faire valoir partout sur la planète le droit contre la force.
Le parrain féroce a certes mis à genoux le petit Panama prétendant que le canal lui appartenait. Mussolini avait bien restauré l’Empire en envahissant l’Éthiopie. Trump a proposé, bravache, de déplacer des millions de Palestiniens. Il a fait chou blanc avec Poutine. Il fore en vain face à l’OPEP. Canada et Mexique sont des partenaires adversaires coriaces et il joue donc la montre. L’Union Européenne, elle, s’est portée au-devant de Claudia Sheinbaum, élargissant aux services les accords de libre-échange jusque-là limités à l’industrie.
Avec Ottawa, comme avec Mexico, il faut rediriger les flux d’exportations qui peuvent l’être et former une coalition fondée sur le respect et l’intérêt mutuels en réengageant les pays du « sud-global » dans une gouvernance internationale pacifiée. À ce jeu, Trump perdra. En dépit de ses rodomontades, on ne pille pas la planète avec tout juste 20 % de la richesse mondiale. Sauf à avoir recours aux armes.
Il en va de même sur les investissements pour la Défense que l’Union peut financer grâce à l’emprunt commun, fédéralisant sa sécurité par-delà les « guerres » intestines, comme celle des industries navales de Paris et Berlin.
Il en va de même sur le plan monétaire où le découplage – loin d’être un drame – peut se révéler gagnant, avec l’achèvement du marché régulé des capitaux.
Il en va de même sur le plan budgétaire, au moment où Bruxelles engage la préparation de l’exercice 2028 et des années suivantes. Les fonds de cohésion, pierre angulaire des prochains élargissements ainsi que la PAC (Politique Agricole Commune) en sont les premiers enjeux, avec un effort nécessaire d’au moins 1,5 % du Revenu National Brut ou de la production de richesses des États-membres au pot commun, contre 1% aujourd’hui. Les gauches europhiles le revendiquaient déjà… il y a un quart de siècle.
Ainsi, l’Union Européenne n’est aucunement démunie si elle prend les décisions fortes sous les couleurs de l’État de droit pour contrer un impérialisme prédateur qui prétendrait accaparer les terres rares de Kyiv ou encore les ressources et le territoire de Nuuk – Groenland.