Eté 1943, la vraie bataille de Koursk

par Pierre Feydel |  publié le 30/08/2024

L’incursion des Ukrainiens sur le territoire russe en direction de Koursk, paraît une petite affaire au regard de la gigantesque bataille menée 81 ans plus tôt

D.R

En janvier 1942, l’offensive de la Wehrmacht en Russie connait un premier échec devant Moscou. En février 1943, le maréchal Paulus s’est rendu à Stalingrad. L’Allemagne nazie qui a envahi l’Union soviétique 20 mois plus tôt a absolument besoin de redresser la situation. Elle va donc lancer l’opération « Zitadelle ». Le Reich va engager 50 divisions dont 19 blindées, plus de 900 000 hommes, 10 000 canons et mortiers, plus de 2000 avions et 2700 chars.

Cette force immense va affronter deux armées blindées soviétiques et une armée d’infanterie, en tout 2 000 000 hommes, 3300 chars, 19 300 canons et mortiers. Ces deux masses d’acier et de chairs humaines s’affronteront sur un front de 270 kilomètres. Un choc effroyable. L’idée générale est d’encercler les Soviétiques et de prendre en tenaille le saillant de Koursk. La IXème armée partira du Nord, la IVème du Sud.

Sauf que dès mars, le maréchal Joukov a prévu une attaque à cet endroit du front. Les Britanniques qui décryptent les messages nazis grâce à leur décodage de la machine « Enigma » et ne cesseront d’informer les Soviétiques sur l’ordre de bataille et les mouvements de la Wehrmacht ont confirmé l’hypothèse. L’Armée rouge a donc installé 900 000 mines, creusé 5 000 kilomètres de tranchées, renforcé ses unités anti-chars, positionnées en retrait des renforts. Les deux premières lignes de défense s’étalent sur 20 kilomètres de profondeur. Derrière, à quinze kilomètres, une troisième avec les troupes du second échelon. Un dispositif redoutable. Le 4 juillet la Wehrmacht attaque au nord, n’avance que de dix kilomètres. Le 12 juillet, une contre-offensive soviétique consacre son échec. 

Au sud, les panzers ont percé en deux endroits la première ligne de front. Le général von Manstein attaque la deuxième. Les unités SS, au prix de lourdes pertes, font encore reculer l’Armée rouge qui se replie en bon ordre… une fois encore les forces allemandes s’essoufflent. Les pertes sont effroyables. La 18ème Panzer qui comptait plus de 5000 soldats n’en compte que 890, 12 jours plus tard. La bataille décisive va se dérouler à Protokhorovka où vont s’affronter 1500 chars. Les blindés soviétiques ont 50 % de pertes. Alexandre Volochtchenko, un héros rescapé, note : « la terre s’est transformée en boue sanguinolente recouverte d’un glacis de fer fondu. »

Des chercheurs, des années plus tard, trouveront sur le champ de bataille des pièces de métal dans lesquelles sont incrustés des os humains. En un jour, la Wehrmacht perd 10 000 hommes et 400 blindés. Elle cède et recule de plusieurs centaines de kilomètres. Les Allemands ont montré une supériorité tactique certaine, mais la masse soviétique a gagné. 250 avions allemands ont été détruits contre 1200 soviétiques. 350 blindés nazis détruits contre 2182 russes, 1,2 million de soldats de l’armée rouge hors de combat contre six fois moins d’Allemands. Mais la Russie a d’énormes réserves… Koursk plus que Stalingrad est le vrai tournant de la guerre.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire