Europe-États-Unis : la nouvelle guerre froide
Donald Trump et Elon Musk s’imposent sur la scène internationale contre la souveraineté européenne. La guerre économique s’étend au numérique.
« L’homme le plus puissant du monde et l’homme le plus riche de la planète sont donc engagés dans une croisade contre nos démocraties » : c’est l’alerte lancée par Raphaël Glucksmann, député européen et fondateur de Place publique, après que le président élu américain Donald Trump a affiché ses ambitions sur le Groënland, le Canada et le Panama, utilisant une rhétorique comparable à celle de Vladimir Poutine sur l’Ukraine en 2020 ou la Crimée en 2014.
Paranoïa? Personne ne fait encore parler la poudre. Mais Donald Trump lui-même, au nom d’une supposée défense du monde libre, n’en récuse pas la menace. S’agissant du Groënland, on imagine bien que la bataille du siècle pour l’exploitation des matières premières, carburants pour la croissance et l’indépendance, est engagée.
L’Europe, comme le Canada, tombent des nues. Et découvrent que, sur le plan de la communication et du numérique, les hostilités ont commencé. Les relations transatlantiques serraient-elles sur le point de verser dans les prémices d’une forme de guerre hybride? C’est une dimension nouvelle de la guerre économique qui sévit au-dessus de l’Atlantique. Sans surprise, celle-ci va grimper en intensité avec la prise de fonction de Donald Trump, qui ne cesse d’agiter le spectre d’une augmentation des tarifs douaniers contre tout frein à l’hégémonie américaine. « Les droits de douane sont la plus belle expression du dictionnaire », répète-t-il, revendiquant de devenir le pourfendeur de l’Organisation mondiale du commerce.
La souveraineté européenne, en tout cas, est en jeu. Car les ingérences sont manifestes, comme si l’Europe était, pour les nouveaux maîtres de l’Amérique, quantité négligeable. Les assauts d’Elon Musk pour s’immiscer avec arrogance dans les débats politiques européens en prenant ouvertement fait et cause pour des partis de l’extrême droite populiste s’inscrit dans une croisade libertarienne contre les institutions des membres de l’UE. Associée aux ambitions exprimées par Donald Trump, la puissance que confère le réseau X à l’homme le plus riche du monde ne peut plus être considérée comme une simple outrance. C’est le sens de l’alerte de Raphaël Glucksmann.
Suspension des enquêtes contre les plateformes
Le bras de fer a été engagé par l’ex-commissaire européen Thierry Breton au sujet du respect par l’homme d’affaires américain des dispositions qui encadrent les services numériques de ce côté de l’Atlantique. Elles sont définies par le Digital Services Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA), entrés en application en 2023. Mais au nom d’une conception de la liberté d’expression qui n’est pas celle de l’Union européenne, Elon Musk les conteste et a menacé de poursuivre l’UE.
On connaît la suite. Après son différend avec la présidente de la Commission Ursula Von der Leyen à cause entre autres de sa démarche envers Elon Musk, Thierry Breton démissionna du collège des commissaires européens dans lequel, pourtant, Emmanuel Macron avait prévu de le reconduire. Les pressions à Bruxelles sont fortes sur le sujet puisque, dans le contexte que l’on connaît aujourd’hui sur les enjeux du numérique, Ursula Von der Leyen vient de décider la suspension des enquêtes en cours qui devaient vérifier que les grandes plateformes se conforment à cette réglementation. Inquiétant!
Au moment où ces plateformes démontrent vouloir s’affranchir de l’obligation de modération de leurs contenus et prêtent allégeance à Donald Trump, on ne peut tergiverser sur la priorité qui doit s’imposer à la Commission pour lutter contre la désinformation. Encore faut-il que l’Europe serre les rangs, pour contrer le dessein de Washington de fragmenter l’Union.