Excommunier Sophia Aram ?
En volant au secours d’Aymeric Caron, turlupin ciblé par l’humoriste, Olivier Faure se trompe de combat et pousse maladroitement la gauche républicaine à se détacher du PS.

Drôle d’idée, tout de même, qu’a eue le premier secrétaire du PS en prenant la défense d’Aymeric Caron, député lié à LFI, contre Sophia Aram, humoriste de France-Inter qui a eu le front de se moquer de lui.
Outre que Caron est un farceur patenté, qui a proposé sérieusement de rétablir le suffrage censitaire pour éliminer du vote les électeurs « incultes », ce qui nous ramènerait au beau temps de la Restauration et de la monarchie de Juillet (c’est un exemple parmi bien d’autres), rappelons tout de même que son insistance à qualifier de « génocide » l’action d’Israël à Gaza, est juridiquement très contestable – « crime de guerre » suffirait largement – et que l’emploi du mot a surtout pour but de délégitimer l’existence même de l’État d’Israël, dont la création est une suite logique du génocide des Juifs européens perpétré par les nazis. Parallèle pervers qu’avait déjà utilisé Guillaume Meurice, autre adversaire revendiqué de Sophia Aram.
On peut trouver de mauvais goût l’usage satirique d’une formule arabe pour qualifier Caron. Mais connaissant Sophia Aram, lui reprocher de « confiner au racisme », comme l’a écrit Faure, est injuste et diffamatoire. Plus largement, est-il bien judicieux que les socialistes joignent leur voix au contempteurs haineux de l’humoriste ? Que lui reprochent-ils, au juste ? On le sait bien : de défendre la laïcité contre l’intégrisme islamiste, de s’en tenir à l’universalisme républicain pour condamner toutes les formes de communautarisme, de tourner en ridicule les outrances « décoloniales » qui favorisent la montée du communautarisme dans la société française.
Laïcité, universalisme, défense des valeurs républicaines : on croit pourtant se souvenir que ce sont des valeurs de gauche, celles que les socialistes défendent historiquement – ou sont censés défendre – et qu’ils auraient grand tort d’abandonner au profit des errements identitaires de la gauche radicale.
En fait, le vrai débat à ouvrir porte sur l’union de la gauche, dont les amis de Sophia Aram se défient, et non sur la République qui est depuis Jaurès le socle intellectuel du socialisme français et qui se définit comme le prolongement de l’idéal républicain vers la justice sociale et de l’émancipation des classes populaires. Face à la ligne outrancière et identitaire de LFI, faut-il rompre l’union ? Telle est la question cruciale.
Les uns verront dans cette rupture une marque de cohérence et d’indépendance pour les socialistes, qui doivent de distinguer clairement des embardées insoumises. Mais les autres remarqueront que cette rupture revient à adopter une stratégie de « troisième force » et donc d’alliance avec le centre, lui-même lié à la droite, ce qui conduit à abandonner l’électorat de gauche à LFI et ses épigones. Se battre au sein de l’union ou s’en détourner ? Voilà une discussion sérieuse, qui mérite mieux que des tweets hasardeux, qui n’ont d’autre effet que de pousser vers le macronisme ou ses avatars les partisans d’une gauche laïque et républicaine.