Face à Trump : la résistance économique
Les menaces de l’ex-allié américain rebattent les cartes chez les Européens qui organisent leur réplique sur le terrain des échanges industriels.

Le traquenard tendu par la Maison Blanche au président ukrainien a sidéré l’Europe. Mais une fois digérée l’émotion causée par une totale falsification de la réalité, l’UE sonne le rassemblement. « Les petits pas, c’est fini, c’est une philosophie de vie pour temps calmes (qui) ne sont plus que de vagues souvenirs d’une époque révolue », martèle Raphaël Glucksmann à la tête de Place Publique, alertant sur « l’effondrement » du monde d’avant Trump.
L’urgence est double pour l’Europe: non seulement soutenir l’Ukraine plus fermement, ce qui a été discuté à Londres, mais aussi réorganiser ses forces économiques pour ne pas subir le joug américain. Sur ce terrain, l’Europe n’est pas dépourvue de moyens. Si les Etats-Unis représentent 25% du PIB mondial selon la Banque mondiale, l’Union européenne les talonne à 18%. Et si l’on rajoute le Royaume Uni et le Canada, entraînés dans le même tourbillon, le bloc ainsi constitué fait alors jeu égal avec l’ex-allié. Aussi, lorsque Donald Trump réaffirme que les Etats-Unis vont appliquer une hausse des droits de douane de 25% sur les produits importés d’Europe, Emmanuel Macron est fondé à lui répondre que l’Union saura répliquer.
Une première passe d’armes est attendue sur les importations d’aluminium et d’acier avec une hausse des taxes américaines dès le 12 mars. Elle devrait déboucher sur la mise en place de « tarifs réciproques » côté européen, a assuré le président Français. L’oukase américain a déjà eu pour effet collatéral de déclencher un électrochoc chez les Européens qui se sont réunis en un sommet économique à Paris fin février. Objectif: envisager des mesures urgentes pour sauvegarder une sidérurgie européenne dans un contexte de « concurrence déloyale et la surcapacité mondiale ». Ce « plan d’action pour l’acier et les métaux », regroupant sept pays autour de la France, l’Espagne et l’Italie, est une véritable résurgence soixante-treize ans plus tard d’une CECA revisitée (charbon en moins) pour affronter les désordres de la sidérurgie mondiale. Merci, Monsieur Trump!
Car face à une telle remise en question des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par les États-Unis, l’UE craint de devenir une cible privilégiée des exportateurs du monde entier, pour réorienter leurs excédents à grands coups de dumping. C’est le cas des constructeurs automobiles chinois, alors même que les productions européennes et notamment allemandes vont voir le marché américain se fermer, et que les constructeurs de l’UE peinent à rivaliser avec leurs concurrents asiatiques dans la motorisation électrique.
Confrontées à une hausse des droits de douane (jusqu’à 35%) en Europe pour endiguer le flot chinois, les marques asiatiques répliquent en s’installant dans les usines en déshérence. Ainsi, Leapmotor, partenaire de Stellantis, va convertir un site polonais en usine tournevis. Chery a opté pour l’Espagne près de Barcelone avec un acteur local Ebro, tandis que CAIC, devenu propriétaire de la marque MG, est en quête d’une usine. Surtout, BYD, le champion de l’électrique à la croissance fulgurante, s’installera dès cette année en Hongrie.
Certes, il y a longtemps que des industriels chinois ont défriché l’Europe de l’automobile, comme BAIC, partenaire de Mercedes en Chine et devenu premier actionnaire du groupe allemand, ou Geely, propriétaire de Volvo depuis une quinzaine d’années. Mais le marché américain se refermant, les cartes sont rebattues et la pression chinoise se concentre sur l’Europe… qui multiplie les enquêtes pour dénoncer les subventions de Pékin à ses constructeurs.