La justice sociale, c’est possible !
Des vérités d’évidence servent parfois à masquer d’évidentes contrevérités. Le débat fiscal en est une illustration.
Que la pression fiscale ait atteint ses limites dans notre pays c’est clair. Mais cette affirmation sert trop souvent les intérêts de ceux qui rejettent de toutes leurs forces une plus juste répartition des prélèvements obligatoires. Les chiffres sont pourtant clairs. Au sommet de la pyramide des revenus le taux effectif d’imposition ne dépasse pas 26 pour cent, à comparer aux 45 pour cent de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu.
Il est établi qu’une grande fortune placée dans une holding ne sera taxée que très marginalement et même échappera à l’impôt sur les successions.
Rétablir la justice à ce niveau rapporterait 15 milliards d’euros, dont 9 milliards viendraient de seulement 75 contribuables ! (1).
Tout le monde connaît l’iniquité de ces dispositifs largement utilisés par le sommet de la hiérarchie des revenus. Mais tout le monde regarde ailleurs. Que les partis de droite ne veuillent pas y toucher, ce n’est guère surprenant. Mais que les forces de gauche hésitent à faire oeuvre de justice est moins compréhensible.
Prenons l’impôt sur les successions. Il ne rapporte que 0,6 pour cent de la richesse nationale. On entend répéter qu’y toucher serait très impopulaire. Voire ! Cela ne serait vrai que si les transmissions des classes moyennes étaient impactées. Or personne ne songe à les mettre en cause. Une réforme en ce domaine ne devrait toucher que marginalement les fortunes significatives dont la transmission ne servent le plus souvent qu’à fabriquer des rentes injustifiées. Il est curieux de voir ceux qui critiquent à juste titre la faible mobilité sociale du pays hésiter à s’engager dans cette voie. J’attends les responsables de gauche qui proposeront une telle démarche, de façon progressive mais avec détermination.
Les économistes les plus libéraux reconnaissent aujourd’hui qu’il ne saurait y avoir de croissance économique solide dans une société incapable d’assurer la solidarité de ses membres. Et au-delà de ce constat, il ne faut jamais oublier qu’une société qui repose excessivement sur la rente encourage les dirigeants à la paresse et les dirigés à la révolte.
(1) Étude de Terra Nova