Faire Union plutôt que Nation

par Boris Enet |  publié le 08/03/2025

Les Européens s’aimeraient-ils « d’amour tendre » comme le chantait Juliette Greco à propos d’un petit oiseau et d’un petit poisson, encore faut-il qu’ils trouvent les moyens de se rejoindre.

À Bruxelles, le 6 mars 2025. (Photo de Hatim Kaghat / BELGA / AFP)

Nécessité fait loi et ouvre l’éventail des possibles pour celles et ceux qui seront aussi aptes à l’initiative innovante qu’à la décision déterminée. Et l’Europe ne manque pas de talents, à Bruxelles comme dans plusieurs de ses capitales, pour y prétendre.

Sur le papier, oui, c’est vrai « elle – la Commission – n’a pas de compétence » en matière de Défense, celle-ci relevant de la souveraineté des États membres. Pour autant, c’est bien la Présidente de la Commission qui a dégainé la première un plan de réarmement cohérent, serait-il encore à décliner dans tous les domaines évoqués. Le même débat d’arrière-garde eut lieu à propos de la diplomatie quand il s’est agi de doter l’Union d’une fonction de Haut représentant pour la politique extérieure et de sécurité.

Les vieux États-Nations ont fait leur temps et s’ils demeurent utiles à l’administration des territoires, ils ne peuvent qu’afficher leur impuissance lorsqu’il s’agit de viser plus haut. Mario Draghi le synthétisait récemment à Bruxelles, en quelques mots : « Maintenant, il faut agir comme un État ». La perspective fédéraliste n’est plus une option parmi d’autres en matière de Défense et de diplomatie. Elle est la solution, la seule efficiente et possible.

Le Commissaire européen à la Défense est dans son rôle quand il entend réunir les chefs d’état-major. La coordination des forces, un commandement unifié de l’OTAN sans les États-Unis ne peut dépendre en dernier ressort que de l’autorité politique commune et non de telle ou telle de ses parties prenantes. La question de la dissuasion nucléaire n’est pas à ce jour concernée, tout simplement parce que la Défense de l’Union face aux menaces russes, voire américaines au Groenland, obéit à un registre classique conventionnel.

Le Président Macron a acté ce qu’il y avait à dire d’une protection élargie par la dissuasion française de l’espace européen. Une lapalissade sauf pour les têtes de gondole de la cinquième colonne, à l’instar de Le Pen et de Mélenchon qui partagent d’autres objectifs que la défense d’une Union Européenne qu’ils rêvent d’achever en la minant de l’intérieur.

Quant au nerf de la guerre, ce qui permettra de relancer les industries de l’armement, de mobiliser le plus largement possible les Européens aux côtés des Ukrainiens, lui aussi à une dimension fédéraliste évidente. Se substituer à l’aide américaine sans délai d’abord, c’est l’urgence après le passage de Trump et consorts à l’ennemi, emportant armes, bagages et même renseignements. Comment fait-on si ce n’est par le recours à un emprunt commun aux meilleures conditions du marché ? Imagine-t-on plusieurs États-membres payer cet emprunt au prix fort pour satisfaire à un souverainisme rétrograde ?

L’impôt ensuite. Macron l’a exclu en France. Soit, mais qu’est-ce qui empêche d’innover à nouveau grâce à un impôt européen impliquant les 27 ou à défaut les volontaires. Que les autres sortent du rang. Il aurait l’avantage de mobiliser largement sur une base progressive, en particulier les couches populaires et la jeunesse. Mille fois préférable à des coupes claires dans le social et les services publics.

De l’audace donc, sans compter qu’un remboursement bonifié pourrait être envisagé pour les petits contribuables assurant ainsi un transfert de valeur propre à renforcer la cohésion et l’identité européenne, toujours ouverte à nos alliés britanniques ou canadiens. Faire Union plutôt que Nation. 

Boris Enet