Faure : après la soumission, l’émancipation

par Valérie Lecasble |  publié le 16/01/2025

Inféodé à Jean-Luc Mélenchon depuis 2022, Olivier Faure s’en est affranchi en ne votant pas la censure du gouvernement. Il prouve que le PS tient entre ses mains le sort de François Bayrou et il marginalise LFI et sa stratégie du chaos.

Olivier Faure à la tribune de l'Assemblée nationale, le 16 janvier, avant le vote d'une motion de censure déposée par le NFP contre le gouvernement Bayrou suite à son discours de politique générale. (Photo d'Amaury Cornu / Hans Lucas via AFP)

« La politique du pire peut déboucher sur la pire des politiques, la victoire du Rassemblement National ». En refusant de voter la motion de censure déposée par La France Insoumise, et signée par les écologistes et les communistes, Olivier Faure reprend sa liberté. Enfin ! Vilipendé depuis 2022 pour sa soumission aux diktats du leader de LFI, il s’émancipe pour la première fois. Il remet le Parti Socialiste en position de retrouver sa place traditionnelle : être leader des partis de gauche, en pariant qu’écologistes et communistes reviendront au bercail de la gauche plurielle.

Il s’en est fallu de peu. La veille encore, Olivier Faure et Boris Vallaud jouent le bras de fer avec François Bayrou et sont tentés de le censurer. Depuis trois semaines, ils négocient pour trouver un accord afin de ne pas renverser un deuxième gouvernement et précipiter le pays dans une présidentielle anticipée à laquelle ils ne sont pas prêts.

Avec Eric Lombard à Bercy, le courant passe et ils espèrent y arriver. Jusqu’à la douche froide du discours de politique générale mardi 14 janvier. Trop longue, la déclaration du Premier ministre est aussi très floue. Le compte n’y est pas, tonnent en chœur les socialistes. Mais mercredi 15 janvier les députés socialistes se prononcent aux deux-tiers contre le vote d’une motion de censure : Olivier Faure et leur président Boris Vallaud se rangent à leur opinion.

La lettre que leur adresse François Bayrou, jeudi matin 16 janvier, jour du vote de la motion de censure, leur ouvre une porte de sortie. Pour mettre fin à l’ambiguïté, le Premier ministre y recense par écrit toutes les avancées qu’il leur a concédées : revalorisation des pensions de retraite, annulation du déremboursement des médicaments, recrutements à l’hôpital, abandon de la taxe sur l’électricité, fiscalisation des hauts revenus, hausse de la flat tax, renonciation à la suppression des 4 000 postes d’enseignants et aux deux jours de carence supplémentaires pour les fonctionnaires. Avec, en sus, l’ouverture dès le vendredi 17 janvier, d’une vaste concertation entre les partenaires sociaux pour remettre à plat le système des retraites « sans totem ni tabou », y compris l’âge légal de 64 ans.

Tout occupés qu’ils étaient à faire plier Bayrou, les négociateurs socialistes n’avaient pas vu la quantité des victoires politiques qu’ils avaient remportées. Ou alors, François Bayrou s’était employé à ne les leur dévoiler qu’au compte-goutte, au fur et à mesure qu’il devait consentir des concessions s’il voulait obtenir un accord avec les socialistes, condition de sa survie politique. Enfin convaincu, Olivier Faure appelle les députés socialistes à ne pas voter la censure : ils sont seulement huit à ne pas le suivre, ce qui le conforte à la tête de ses troupes.

Les réactions de la garde rapprochée de Jean-Luc Mélenchon sont embarrassées : Olivier Faure a fait mentir le leader de LFI, qui prédit la chute du gouvernement pour le 16 janvier. Gagnant de la négociation, Olivier Faure fait de Jean-Luc Mélenchon le grand perdant. Même seul, le Parti Socialiste est au centre du jeu. Il reste dans l’opposition à François Bayrou et menace de le censurer à tout moment, y compris lors du vote du budget. Mais c’est sur lui que repose désormais la stabilité politique du pays. Autrement dit, enfin, il relève la tête.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique