Fifa nostra
Mercredi 11 décembre, dans une indifférence à peine feinte tant les dés étaient déjà jetés et pipés, Gianni Infantino, puissant patron de la FIFA, a attribué la coupe du monde 2034 au royaume saoudien.

La décision était attendue. Comme dans un James Bond, où la redoutable organisation Spectre fait la loi, la Fifa s’est assise une fois encore sur ses engagements introduits dans sa propre charte en 2017 : «…il lui incombe de prévenir et d’atténuer les violations des droits de l’homme et les abus liés à ses activités. »
Qu’importent les condamnations unanimes des ONG de défense des droits de l’homme et de l’environnement, des supporters (FSE), de la confédération syndicale internationale (ITUC), l’argent, les réseaux et l’achat de votes comme par le passé ont eu gain de cause.
Quelques obstacles se dressaient pourtant sur la route de l’attribution du marché à MBS (Mohammed Ben Salmane). L’Amérique latine aurait eu quelques velléités ? Infantino a sorti de son chapeau l’attribution de quelques matchs de poule à l’Uruguay, au Paraguay et à l’Argentine pour 2026 afin qu’ils ne viennent pas gêner la décision actée pour 2034 et l’arrivée d’argent frais dans les caisses de Zurich.
Pourquoi donc une telle empreinte carbone pour une coupe du monde 2026 déjà organisée sur deux continents avec le Portugal, l’Espagne et le Maroc ? Infantino pense à tout : le règlement stipule qu’une confédération ne peut postuler deux fois d’affilée. Oui mais, un autre point du règlement indiquait qu’il fallait au moins sept stades existant pour candidater à l’organisation d’une coupe du monde. Qu’à cela ne tienne, le règlement a été nettoyé en coulisse afin que le seuil soit abaissé à quatre. La voie était donc libre. A la différence des arbitrages gouvernementaux français, le patron de la Fifa peut contenter tout le monde. Question de prix.
Place au béton, à l’exploitation de la main d’œuvre ouvrière sous des températures intolérables et à la marchandisation des surdoués du ballon, autant bénéficiaires que victimes d’une société du spectacle vraiment peu ragoutante.
La Fifa aurait pu s’inspirer de l’organisation des JO de Paris avec une division par deux des émissions de carbone, des jeux « propres » au regard de ce que furent les précédents. Mais non, il sera définitivement acté que le football, seul sport à dimension universelle, impose aux pays dominés et consentants, sa mafia, ses agents et ses circuits d’exploitation. Adieu Rocheteau, adieu Thuram, adieu la lointaine mémoire ouvrière et l’éducation physique par le sport, adieu nos souvenirs de gosse et nos parties endiablées au bas des immeubles pour déterminer si le poteau était réellement rentrant. La pieuvre a tout acheté.
Un sempiternel débat sur le boycott de cette manifestation ne manquera pas de se développer à l’approche de l’évènement. Un autre lui succèdera sur le sport et la politique et la transformation des joueurs en chevaux de course à qui l’on refuse d’avoir un avis comme citoyen. Après la coupe du monde 1978 sous la junte argentine, celle du Qatar de 2022 avec la climatisation à ciel ouvert, ou de la Russie en 2018, la continuité s’impose davantage que la rupture. Il n’empêche : sortez la Fifa, rendez-nous le football !