Fiscalité : haro sur les retraités ?

par Gilles Bridier |  publié le 25/04/2025

Les retraités pourraient bientôt faire le deuil de l’abattement de 10% de leur déclaration de revenus, ce qui serait assimilable à une augmentation d’impôt dont le caractère équitable fait pour le moins débat.

Illustration d'une déclaration de revenus en ligne sur le site des impôts du gouvernement français. Si vous êtes retraité, vous profitez d'un abattement fiscal de 10%, une déduction automatique sur vos revenus dans la limite de 4.399 €. (Photo Riccardo Milani / Hans Lucas via AFP)

Les retraités ont de la chance ! Si le gouvernement persiste dans son intention, ils vont pouvoir faire preuve de leur sens civique en contribuant plus que d’autres à limiter le déficit budgétaire du gouvernement. Car le projet de suppression de l’abattement forfaitaire de 10% sur leur déclaration d’impôt caressé par Bercy se traduira par une augmentation d’impôt de 4 à 5 milliards, au moment où le gouvernement clame sur tous les tons qu’il n’est pas question d’alourdir la fiscalité.

Certains considèrent que ce n’est que justice. N’étant plus en emploi, disent-ils, les retraités ne sauraient profiter d’un abattement pour « frais professionnels ». Est-ce si simple ? Lorsque cet abattement leur a été consenti dans les années 1970, ce fut par souci d’équité. Les salariés bénéficiant de cet abattement de 10%, les pouvoirs publics ont estimé que tous les contribuables devaient être égaux devant l’impôt et donc que l’abattement serait étendu aux retraités. On ne parlait pas alors de frais professionnels. Par ailleurs, même s’ils ne sont plus dans la vie dite active, de nombreux retraités pratiquent des activités bénévoles fort utiles à la société et pour lesquelles ils ont forcément des frais, ce qui suffirait à justifier l’abattement.

Enfin, s’agissant de fiscalité, la notion de justice est délicate à manier. Ou bien il faudrait comprendre qu’il est juste d’imposer le travail plus que le capital, comme on le fait aujourd’hui, ou qu’il est tout aussi juste que les familles les plus fortunées puissent loger leur patrimoine dans des holdings familiales à la fiscalité avantageuses. Et l’on pourrait citer maints exemples qui montrent que, comme pour la « flat tax » qui plafonne l’impôt, la notion de justice n’a pas toujours sa place dans la fiscalité. Les mesures fiscales sont avant tout de nature politique, comme lorsque le gouvernent renonce à l’application de la taxe Zucman qui aurait pour objectif de rééquilibrer l’impôt payé par les contribuables les plus riches alors que, toute proportion gardée, le taux d’imposition des plus fortunés est plutôt moins élevé que la moyenne des ménages. Quant à la progressivité de l’impôt au coeur du socle républicain, il y a longtemps que le principe en a été bafoué.

Le niveau de « fortune » que leur confèrent leurs pensions fait-il des retraités des cibles privilégiées ? Regardons les chiffres. Selon la dernière étude de la DREES (direction des études du ministère de la Santé), la pension moyenne brute atteignait 1626 euros par mois en 2022, soit 1512 euros après déduction des CSG, CRDS… et aussi de la taxe spécifique pour les seniors, la Contribution de solidarité pour l’autonomie (Casa). Compte tenu des revalorisations, le site Cap Retraite estime que le montant moyen de la pension brute s’est « envolé » aujourd’hui à 1661 euros par mois, soit 1545 euros net. Énorme ? Bien sûr il ne s’agit que de moyennes, et il existe des pensions de retraites plus généreuses. Notons quand même que le montant de la retraite de base est plafonné à 50% du plafond de la Sécurité sociale, soit 1932 euros en 2024, ce qui limite les excès de bamboche auxquels les retraités pourraient aspirer.

Viennent ensuite les retraites complémentaires, puis les plans d’épargne retraite ou les retraites supplémentaires pour lesquelles certains retraités ont cotisé pendant leur carrière. D’autres ont aussi pu investir pour toucher ensuite les dividendes de leur stratégie financière. Ce qui démontre que les 17 millions de retraités ne sont pas une catégorie homogène de la population, loin s’en faut. Mais si on prend en compte l’ensemble de leurs ressources, l’étude de l’Insee sur le revenu des ménages montre que celles des retraités atteignent en moyenne la somme « faramineuse » de 26.090 euros annuels en 2021… Un « pactole » qui placerait donc les retraités en première ligne pour être ponctionnés ! D’autant que, formant une population non structurée, ils ne disposent pas d’un puissant lobby pour défendre leurs intérêts. Politiquement, ils sont donc moins protégés… si ce n’est par leur bulletin de vote et leur sur-représentation dans la participation aux élections. Ce qui n’est que justice !

Gilles Bridier