France-Palestine : Macron tente une percée
En annonçant que la France pourrait reconnaître la Palestine, Macron veut relancer la solution à deux États pour mettre un terme au conflit. Pas sûr qu’il puisse faire bouger les lignes…
Depuis la fin de la trêve, le 18 mars, les frappes israéliennes sur Gaza ont fait 1400 victimes palestiniennes, un rythme qui rappelle celui des treize mois de bombardement ayant suivis l’attaque terroriste du 7 octobre 2023. Longtemps le président français a repoussé l’idée de reconnaître la Palestine, estimant que le geste devait être « utile à la paix », et, plus récemment, en avançant que la priorité était le cessez-le-feu, le retour de l’aide humanitaire dans l’enclave gazaouie. En mai 2024, l’Irlande, la Norvège et l’Espagne avaient franchi le pas, sans pour autant changer quoi que ce soit à la logique de guerre qui prévaut au Moyen Orient.
Si Emmanuel Macron prend position aujourd’hui par vent contraire, c’est qu’il pense pouvoir jouer la carte des états arabes. Même formulé avec les précautions du conditionnel, le projet de reconnaissance a été salué avec chaleur dans le monde arabe où la France retrouve une voix. « Il est clair que les déclarations du président Macron sont un message de paix et d’apaisement pour toute la région. Et ce qui permet d’affirmer qu’elles sont très positives, c’est que l’histoire retiendra cette annonce vers un État palestinien », note, de passage à Paris, le saoudien El Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale.
La dynamique du conflit, avec plus de 60.000 victimes gazaouies, le grignotage de la Cisjordanie et son occupation militaire, les déclarations ubuesques de Trump, justifiant l’épuration ethnique pour bâtir une « riviera » dans l’enclave ont poussé Macron vers ce changement de pied diplomatique.
La démarche de Paris s’inscrit dans un cadre plus large. Depuis l’automne dernier, Français et Saoudiens préparent une conférence internationale sur la Palestine qui devrait avoir lieu en juin à New-York dans le cadre de l’ONU. Selon Macron, cette rencontre doit lancer « une dynamique collective permettant à tous ceux qui défendent la Palestine de reconnaître à leur tour Israël, ce que plusieurs d’entre eux ne font pas ». Allusion claire à l’Arabie Saoudite qui a posé comme ligne rouge l’existence d’une Palestine indépendante avec Jérusalem pour capitale avant de faire mouvement vers Israël.
L’idée de « reconnaissance réciproque », n’est pas nouvelle. Elle rappelle le processus des accords d’Abraham, où certains pays du Golfe, le Soudan et le Maroc ont reconnu Israël. Mais cette fois le cadre politique est contraint : la reconnaissance réciproque avec Israël se fera d’entrée de jeu avec un État palestinien clairement constitué. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, avec une « Autorité palestinienne » amoindrie, n’ayant pas les prérogatives d’un état véritable. Au passage, la Ligue Arabe réunie début mars en Égypte s’était prononcé en faveur d’une renaissance de l’Autorité palestinienne qui devrait aussi reprendre la gestion politique de l’enclave de Gaza au détriment du Hamas.
En intervenant sur le remodelage du Moyen-Orient en cours, Macron prend date. Il espère que son initiative sera suivie par d’autres pays de la sphère occidentale, tandis que les Saoudiens pourraient entraîner les pays arabes qui refusent encore de traiter avec Israël. C’est un pari, la conférence de New-York, si elle a lieu, est elle-même un pari.
A ce jour, Netanyahou et son gouvernement dominé par les ministres suprémacistes ne veulent pas entendre parler de solution à deux états, tout comme son ami et allié Donald Trump, l’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas, n’a d’autorité que le nom, le Hamas enfin, tient toujours la rue à Gaza.
En réalité, les acteurs du terrain ne sont aujourd’hui pas les bons pour imaginer la mise en route rapide d’une solution à deux États. L’esprit des accords d’Oslo, cette poignée de main Rabin-Arafat, est en effet un cliché jauni. Pour faire la paix, pourtant, on n’a rien trouvé de mieux que de reconnaitre l’Autre : la société israélienne, tout comme la palestinienne le savent parfaitement puisqu’elles aspirent, l’une et l’autre, à autre chose que la guerre.