Gauche : la stratégie des trois candidatures uniques
Le PS, les Verts, François Ruffin et les dissidents de LFI veulent une candidature unique de la gauche en 2027 et comptent organiser une primaire en ménageant Mélenchon. Sans se rendre compte que le monde vient de basculer.

À l’initiative de Lucie Castets, ancien première ministre putative du Nouveau Front Populaire, dont personne n’a jamais pensé qu’elle pût l’être réellement, mais qui en a gardé un certain prestige, la « gauche non-mélenchoniste » a juré, crois de bois croix de fer, qu’elle allait désigner un candidat unique pour la prochaine présidentielle. Ce « serment de Bagneux », lieu de la rencontre, souffre toutefois de quelques failles.
Ni Raphaël Glucksmann, ni Jean-Luc Mélenchon n’étaient présents à ce jamboree des unitaires de la vraie gauche, ce qui fait que cette candidature unique risque fort d’être concurrencée par d’autres candidatures tout aussi uniques, mais dont le total sera, lui, immanquablement pluriel. Il y a quelque chose de théologique dans cette unicité multiple, qui évoque le mystère de la sainte Trinité, où le dieu unique se manifeste en trois espèces, le père, le fils, le Saint-Esprit, à la fois séparés et confondus. Reste à déterminer dans cette triade qui est le père et qui est le fils. Le Saint-Esprit, il faut le craindre, est celui du grand absent mais omniprésent Mélenchon. C’est la gauche divine…
Cette souplesse conceptuelle se manifeste encore dans la casuistique dont use la direction du PS, à la manière des jésuites. Pour se faire reconduire lors du dernier congrès, celle-ci a mis en scène sa rupture canonique avec le relapse Jean-Luc Mélenchon, coupable de complaisance avec l’antisémitisme, de communautarisme galopant et, accessoirement, de formules aussi méprisantes qu’insultantes à l’égard des socialistes. Ce qui n’empêche pas les mêmes socialistes, adeptes de l’hérésie masochiste, de laisser ouverte à Jean-Luc Mélenchon la porte de la même primaire. Autrement dit, si d’aventure le pontife LFI décidait d’y participer pour l’emporter, le PS devrait se ranger sous sa bannière radicale, hypothèse catégoriquement exclue par un vote massif lors de son dernier congrès. Les voies du seigneur Faure sont impénétrables…
Les minoritaires, qui se sentent floués pour avoir naïvement cru que les décisions du congrès s’appliqueraient, ont pondu un communiqué de protestation formelle, qui sera à coup sûr placé par Olivier Faure dans la poubelle aux vœux pieux qu’il garde toujours près de lui pour accueillir les contributions de ses opposants. Le Congrès parle, la direction agit. En dépit des apparences, le Premier secrétaire reste donc contre Mélenchon. Tout contre…
La future primaire aura pour référence une bible commune. Tel le Nouveau Testament placé dans la continuité de l’Ancien, cette charte celle-ci sera inspirée du programme du Nouveau Front Populaire, qui n’était déjà ni nouveau, ni populaire et ne formait qu’un front de façade. Déjà dépassé à sa naissance, ce projet a été renvoyé au musée des illusions par la brutale évolution du monde, entre l’agressivité des empires, le gonflement de la dette, la nécessité d’une Europe de la défense, l’impératif de la réindustrialisation qui suppose une politique de l’offre ou la demande populaire de respect des règles dans tous les domaines, que cette gauche hors-sol qualifiera de dérive autoritaire. En dépit de ce décalage abyssal, la charte du NFP sera à coup sûr brandie par les partenaires du PS, tous complexés par la surenchère radicale de LFI, comme la loi et les prophètes.
Stratégie contradictoire dans les termes, incarnations multiples sous couvert d’unité, programme obsolète : les chances de victoire de la gauche sont décidément éclatantes.