Gauche : se défaire des postures pour le fond
Mardi, l’ensemble du groupe socialiste votera la motion de censure présentée par Boris Vallaud. Les premiers espérant faire tomber le Premier ministre, quand les seconds la voteront parce qu’ils pensent qu’elle n’aboutira pas.

Olivier Faure est sorti ragaillardi du congrès de Nancy. Moins de 700 voix le séparent de son concurrent Nicolas Mayer Rossignol. Le Parti socialiste est affaibli, à huit mois des prochaines municipales, chassé sur ses terres par la meute insoumise acoquinée à la direction écologiste, mais il n’en a cure. Prêt à se rendre à la rencontre initiée par Lucie Castets, toujours prête à faire don de son entremise, il ira donc avancer les préparatifs d’une primaire dont les deux principaux protagonistes crédibles, Mélenchon et Glucksmann, ne veulent pas.
S’appuyant sur Boris Vallaud, dont la prétention à s’autonomiser s’accorde parfaitement avec l’orientation de son patron, Olivier Faure s’enferre dans sa grille de lecture habituelle, au prétexte formel de barrer la route aux nationalistes. Quelles que soient les incompatibilités, l’unité des gauches prime sur toute autre considération, faisant fi de son score, à moins de 30% des suffrages.
Cette orientation dont la cohérence est rectiligne n’a donc plus vraiment d’opposition interne revendiquée. Le dépôt de la motion de censure l’illustre péniblement. En aparté et à l’écart des micros, les partisans d’une affirmation socialiste autonome n’ont pas disparu. Ils rechigneraient presque au dépôt d’une telle motion, contre toute logique économique et démographique. Mais qui ne dit mot, consent.
Une proposition de loi aurait pu être déposée, reprenant les conclusions de la CFDT à la table des négociations, pour mettre à nu l’attitude irresponsable des patronats – MEDEF et CPME -, mais les socialistes ne veulent décidément jamais insulter l’avenir et se départir d’un NFP, toujours moribond, jamais enterré. Même le dernier président socialiste en exercice, justifie le vote de cette motion, à condition de ne pas se mêler aux voix du RN, autrement dit avec la certitude béate qu’elle ne censurera pas le gouvernement actuel.
Est-ce intelligible par nombre de sympathisants de gauche et électeurs lambda ? Probablement pas. En poursuivant cette folle cohabitation au sein d’un NFP ou d’une NUPES nouvelle formule, les socialistes perdent en réalité sur les deux tableaux. Ils seront toujours jugés trop tièdes par la base rassérénée insoumise et valideront le départ de ceux qui les ont quittés, espérant en vain un sursaut consécutif à une stratégie de soumission à Mélenchon. C’est le couronnement de choix tactiques baroques au détriment du fond des débats, sur les retraites comme sur le reste.
Le degré de maturation politique des démocraties contemporaines rend caduque le vieil adage selon lequel on prenait le parti sur sa gauche, quitte à raconter des sornettes, puis on gouvernait au mieux en acceptant d’intégrer les contingences et le réel, provoquant déceptions et générant les accusations séculaires de trahison. Les électeurs acceptent désormais difficilement le cynisme érigé en règle.
L’exigence d’un cap clair et d’un horizon assumé est attendu par de nombreux progressistes, effectivement préoccupés par la poussée brune en Europe et ailleurs, mais convaincus de la vacuité du programme de Mélenchon et des siens pour l’endiguer – quand ce n’est pas pour la nourrir par des pratiques infâmantes.
Dès lors, le résultat du vote à l’Assemblée nationale apparait, au mieux comme un avertissement sans frais, au pire comme une mascarade machiavélique, relevée par l’ensemble de la presse écrite, indépendamment de sa ligne éditoriale. Dans le cadre des institutions de la Vème république, la stratégie pour la gauche n’est ni celle d’une insurrection populaire, fable racontée par le seul institut La Boétie aux mains du caudillo national, ni la réunion d’une gauche marginalisée comptabilisant moins de 150 000 militants, toutes chapelles confondues. Elle appelle un dépassement dans un gouvernement de défense progressiste et européen, contre les solutions protectionnistes nationales, les remises en cause de la science et du progrès pour affermir et intensifier l’adaptation au bouleversement climatique. À ne pas choisir cette formule, la marginalisation guette et le requiem s’annonce.