Gaza, le jour d’après : Trump prix Nobel de la paix ?
Une fois le cessez-le-feu consolidé, Donald Trump cherchera à réactiver les « accords d’Abraham » qu’il avait négociés avec l’Arabie Saoudite. Avec un objectif ultime : devenir l’homme de la paix, quelle qu’elle soit.

Le cabinet de sécurité israélien a donc donné son aval à l’accord de cessez-le-feu à Gaza. L’arrangement court sur 42 jours, la première phase s’ouvre dimanche 19 janvier pour la libération de 33 otages israéliens aux mains du Hamas en échange de prisonniers palestiniens. Quinze jours plus tard, tous les otages encore vivants devraient être relâchés. Le flou subsiste sur l’ampleur de l’élargissement côté palestinien, on parle d’un millier, flou encore sur l’administration future de l’enclave.
L’extrême droite du cabinet Netanyahou rejette cet accord car il rend impossible une recolonisation de l’enclave gazaouie qu’elle appelle de ses vœux. Elle estime aussi que l’élargissement de plusieurs centaines de palestiniens rappelle l’histoire de Yahya Sinouar, le chef du Hamas organisateur de l’attaque sanglante du 7 octobre 2023, un homme qui avait été libéré en octobre 2011 dans l’échange avec le soldat Gilad Shalit.
Au cours des 42 prochains jours, le Premier ministre israélien peut perdre l’appui de l’une ou l’autre des deux petites formations suprémacistes et annexionnistes conduites par Bezalel Smotrich ou Itamar Ben Gvir, mais, en cas d’élection, il n’est pas sûr qu’elles retrouvent les sept députés qu’elles détiennent aujourd’hui à la Knesset. La majorité de l’opinion israélienne aspire au retour des otages et à la fin de la guerre. Le Premier ministre doit en tenir compte.
Benyamin Netanyahou pouvait-il se dérober et refuser l’accord ? En fait, le PM israélien a commencé à comprendre le vendredi 10 janvier lorsque Steve Witkoff, l’envoyé spécial de Trump, l’a appelé depuis Doha pour annoncer son arrivée. Netanyahou lui a fait savoir qu’il ne pouvait le recevoir avant la fin du Shabbat, raconte le quotidien Haaretz. L’autre a répondu sèchement qu’il n’avait cure de la trêve religieuse habituelle et qu’il n’attendrait pas. Witkoff a débarqué dans son bureau samedi, ils ont discuté pendant cinq heures sur les propositions qui sortaient des négociations de Doha. L’Américain avançait avec ses pratiques d’homme d’affaires dans l’immobilier. Netanyahou ne voulait rien entendre, un à un il démolissait les arguments de Witkoff en parlant d’une situation vitale pour Israël. Vingt-quatre heure plus tard, Joe Biden annonçait l’imminence d’un accord, suivi de Donald Trump, qui l’a écrit avec des lettres en capitale d’imprimerie sur son compte X.
L’épisode en dit long sur les méthodes de négociation de l’administration Trump. En principe, l’équipe Trump chargée du Proche Orient, le secrétaire d’état Marco Rubio, le conseiller à la sécurité nationale Michaël Waltz, l’ambassadeur Mike Huckabee, tous affichent des positions pro-israéliennes bien assumées. Le New-York Times explique ce décalage par l’agenda personnel que s’est fixé Donald Trump.
Le 47éme Président américain veut mettre un terme à deux guerres, celle du Moyen Orient, celle d’Ukraine. Lors de son premier mandat il avait lancé cette formule « the deal of the century ». « L’affaire du siècle » donc allait devenir à partir de 2020 ce qu’on a appelé « les accords d’Abraham », un projet qui consolidait la balkanisation et le grignotage de la Cisjordanie et qui faisait apparaître un état palestinien sans Jérusalem et sans possibilité de retour pour les réfugiés. Cette proposition s’adressait aux pays de la région dans la perspective d’une reconnaissance mutuelle avec Israël. Les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc y avaient adhéré. Mais tout s’est arrêté le 7 octobre 2023.
Donald Trump a de la suite dans les idées. Il va tenter une relance des accords d’Abraham. Il n’a pas affiché la couleur, mais l’équipe très proche de Netanyahou et des annexionnistes qu’il a mise en place fait sens. Le cessez-le-feu sera fragile et délicat, l’aide humanitaire aussi, l’administration future de l’enclave gazaouie sans le Hamas ne sera imaginable qu’avec une Autorité Palestinienne différente, poussée par une forte dynamique régionale. C’est là que l’Arabie Saoudite peut devenir un acteur clef de la prochaine séquence. Trump sait que Ryad ne s’engagera jamais dans cette voie sans parvenir à la création d’un état palestinien. On passerait alors d’un deal sur le cessez-le-feu à Gaza à un deal sur la reconnaissance d’Israël par Ryad. Avec l’apparition d’un État palestinien au cœur d’un nouveau Moyen-Orient, aussi extravagant que cela puisse paraître à ses adversaires, Trump viserait le prix Nobel de la paix.