Gaza : le martyre inutile

par Laurent Joffrin |  publié le 03/01/2025

Israël a gagné sans doute possible son affrontement avec le Hamas. La poursuite de la guerre ressemble de plus en plus à une opération de vengeance et d’extension territoriale illégale et dangereuse.

Laurent Joffrin - Photo JOEL SAGET / AFP

On sait qu’Israël a le droit de se défendre, que le Hamas est une organisation terroriste, que l’attaque du 7 octobre a été monstrueuse et que des témoignages récents ont montré que les otages israéliens détenus à Gaza ont été victimes de sévices abjects. Mais après plus d’un an de guerre, l’interminable martyre de la population de Gaza a-t-il une justification ?

Les bombardements continuent ; les destructions sont massives ; les pertes civiles sont énormes, et les femmes et les enfants de l’enclave périssent encore dans des attaques sans fin. On constate maintenant que les restrictions imposées par le gouvernement Netanyahou ont créé une situation de famine endémique dans une population qui manque d’eau, de soins, de nourriture et ne sait plus où se loger.

L’armée israélienne explique cette cruauté par les nécessités de la lutte contre le Hamas, qui utilise les civils comme autant de boucliers. Dans beaucoup de cas, on s’aperçoit en effet que les combattants islamistes se réfugient dans les immeubles d’habitation, usent des hôpitaux comme de bases armées ou s’ingénient à s’ingérer dans la distribution de l’aide humanitaire. Mais dans beaucoup d’autres, l’énormité des pertes civiles fait douter de cette justification répétée comme un leitmotiv par les autorités militaires. Quant à affamer la population et l’empêcher d’accéder aux soins élémentaires, c’est de toute évidence un crime de guerre.

Les explications fournies par les Israéliens finissent par se retourner contre eux : ainsi, après avoir détruit par les bombes un aussi grand nombre d’habitations et provoqué la mort de plus de 40 000 personnes, les Israéliens sont encore loin, selon leurs propres dires, d’avoir éradiqué l’appareil armé de l’organisation terroriste. À écouter les communiques israéliens, celui-ci semble renaître sans cesse de ses cendres. Si bien que la question se pose : cet objectif de destruction totale de l’ennemi est-il rationnel ? On voit bien que non. Il porte en lui-même le prolongement indéfini du conflit guerrier, sans aucune assurance de parvenir à ses fins.

La victoire militaire des Israéliens est écrasante, sur ce front comme sur celui du Liban. Le calcul morbide du Hamas s’est retourné contre lui et ses alliés de « l’axe de la résistance », qui est l’axe du terrorisme. Si l’existence et la sécurité de l’État d’Israël ont été menacées – ce qui n’est pas avéré compte tenu du rapport des forces militaires – elles ne le sont plus aujourd’hui, en tout cas. La poursuite de la guerre, dès lors, ressemble de plus en plus à une opération de vengeance sur les civils, qui prélude à une politique d’extension territoriale porteuse de graves conflits futurs. Il est plus que temps, désormais, d’arriver à un cessez-le-feu qui abrège la souffrance des Gazaouis et de rechercher, en mettant à profit l’impopularité du Hamas dans l’enclave pour envisager sur ce territoire devenu une région de l’enfer l’émergence d’une direction transitoire qui renonce aux armes et s’engage dans la reconstruction de Gaza, prélude à un nouveau Proche-Orient plus apaisé.

Laurent Joffrin