Gaza, saison 3 : annexion, famine, nettoyage ethnique…
Le gouvernement israélien lance une nouvelle offensive sur Gaza. Officiellement, il s’agit toujours de détruire le Hamas. Mais beaucoup suspectent une opération d’une tout autre envergure.
.Après 19 mois d’opérations sur Gaza, l’histoire retiendra que la décision de réoccuper militairement l’enclave a été prise dans la soirée du dimanche 4 mai 2025. Le cabinet de sécurité israélien a été unanime dans ses délibérations, confirmant au passage sa volonté de « vaincre le Hamas » et d’assurer « le retour des otages ». Le discours officiel n’a pas changé.
Depuis la rupture de la trêve le 18 mars, il reste encore 59 personnes aux mains du Hamas, dont 24 présumées vivantes. Les frappes aériennes ont repris avec constance, faisant bondir, au-delà des 50.000, le bilan des victimes palestiniennes depuis l’attaque terroriste du Hamas d’octobre 2023. Le blocus de l’aide humanitaire a été un premier échelon dans l’escalade, suivi de la pénurie d’eau potable après la destruction des centrales de désalinisation de l’eau de mer.
Cette fois, la décision du cabinet israélien débouche sur une autre escalade : la remilitarisation complète de l’enclave palestinienne dans la perspective d’un « départ volontaire des Gazaouis ». Au cours de la réunion le premier ministre a pris la parole : « nous continuons à promouvoir le plan Trump visant à permettre le départ volontaire des habitants de Gaza ». La planification du nettoyage ethnique démarre.
Pour les familles des otages, Benyamin Netanyahou vient de « sacrifier » les derniers captifs du Hamas. « Le gouvernement admet qu’il choisit le territoire plutôt que les otages, contrairement aux souhaits de plus de 70% de la population », insiste le communiqué du « Forum des otages ». Associant le chef du gouvernement et son ministre des finances d’extrême droite, les opposants au gouvernement ont vite eu fait de baptiser ce nouveau virage de « plan Smotrich-Netanyahou ».
L’escalade en cours nécessite le délicat redéploiement des unités militaires. Les conscrits vont quitter le nord d’Israël et la frontière libanaise pour Gaza et ils seront remplacés par des réservistes. Le gouvernement éprouve de réelles difficultés à mobiliser ces derniers, ils ne sont guère plus de 50% à rejoindre leurs unités d’affectation sans renâcler. Depuis mars, des milliers d’entre eux ont signé des lettres ouvertes pour protester contre la fuite en avant d’un gouvernement pris en otage par deux petites formations d’extrême droite qui ne cherchent que l’annexion de tous les territoires occupés. Cette contestation reflète celle d’une opinion publique israélienne qui ne croit pas qu’une énième campagne militaire viendra à bout du Hamas.
Lourde de sens, elle aussi, une seconde décision a été prise ce dimanche : alors que l’armée bloque depuis deux mois l’accès des convois humanitaires, le gouvernement veut faire appel à des sociétés privées pour acheminer l’aide internationale. Le projet consiste à distribuer les secours aux Gazaouis par le truchement de centres contrôlés par l’armée. Tollé des ONG présentes à Gaza. L’Onu dénonce une stratégie militaire qui « viole les principes humanitaires fondamentaux ».
La « conquête » de Gaza ne se fera pas en un jour, elle a été préparée de longue date. Bien avant la rupture de la trêve de mars, elle a commencé par l’ouverture de trois routes stratégiques qui sectionnent l’enclave au nord à la hauteur de Khan Younes, au centre à Gaza-ville, au sud à Rafah. Aucune communication n’est désormais possible entre ces trois agglomérations. « L’opération inclut une attaque de grande envergure et le déplacement de la plupart de la population de la bande de Gaza », prévient le général Ephraïm Defrin, porte-parole de l’armée.
Pourquoi annoncer de tels déplacements ?
Les forces israéliennes ont mis au point une tactique précise par le biais des transferts de population déjà expérimentés en 2024. Tous ces déplacements sont surveillés par des drones, des caméras enregistrent les conversations, font de la reconnaissance faciale, les comparent, avec l’aide de l’IA, à d’autres conversations de combattants du Hamas dûment répertoriées. Les ordinateurs de l’état-major travaillent en temps réel : le repérage est permanent, y compris à travers de banales conversations dans les familles se déplaçant, contraintes et forcées, d’un point à un autre. Par les airs ou au sol avec des commandos, la frappe a lieu de suite pour liquider les membres du Hamas ainsi identifiés. Une redoutable mécanique orwellienne est en place : sur le profil d’un visage, une tournure de phrase, une intonation de voix, la « machine » désigne jour après jour les familles qui franchissent les « portes de l’enfer ».