Gaza : une saison II en enfer
Le cabinet israélien est l’otage d’une extrême-droite suprémaciste qui déroule son programme d’effacement des populations palestiniennes, au prix de multiples crimes de guerre.
Depuis la rupture de la trêve le 18 mars, les frappes israéliennes sur Gaza ont fait 1613 morts parmi les Palestiniens. Cette intensité rappelle les temps forts des premiers bombardements qui ont suivi l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023. Cette fois, la destruction méthodique de l’enclave palestinienne annonce la réoccupation militaire totale de Gaza.
Lors d’un récent conseil des ministres, Benyamin Netanyahou a réagi avec un cynisme assumé : « nous mettons en œuvre le plan Trump, le plan de migration volontaire. C’est notre stratégie ». Revêtu d’une tenue de combat, le chef du gouvernement s’est rendu en début de semaine dans le nord de l’enclave gazaouie. « L’opération actuelle, a-t-il déclaré aux soldats, fait pression sur le Hamas pour qu’il libère d’abord les otages et plus il persiste dans son refus, plus nous intensifierons les coups ».
En réalité la visite de Netanyahou aux troupes positionnées à Gaza avait un tout autre sens. Elle intervient alors que la grogne gagne les rangs des soldats engagés dans ces opérations. Dans les médias les témoignages attestent d’un rejet de plus en plus large des méthodes imposées par l’état-major. L’affaire des quinze secouristes découverts dans une fosse commune à Rafah, le 30 mars dernier, a provoqué une réelle émotion dans les unités engagées dans l’enclave gazaouie. Après la diffusion d’une vidéo montrant ce convoi humanitaire circulant de nuit à petite vitesse avec des gyrophares, personne ne pouvait croire à la thèse officielle d’une méprise.
Lors de l’attaque sanglante du 7 octobre 2023, 251 personnes avaient été enlevées par le Hamas, 59 sont toujours retenues à Gaza, dont 34 décédées selon l’armée israélienne. Le sort des derniers otages fait toujours l’objet de négociations. Une proposition israélienne viserait à libérer la moitié des otages encore aux mains du Hamas, lors de la première semaine suivant la conclusion d’un accord et l’instauration d’un cessez le feu d’au moins 45 jours. Ces discussions trainent en longueur.
Les familles des derniers otages, comme celles qui ont eu le bonheur de retrouver les leurs, ne se font guère d’illusions sur les intentions du Premier Ministre israélien. Tout le monde a bien compris que le gouvernement veut que le Hamas dépose les armes, quoi qu’il en coûte… Pendant des mois, les proches des otages ont manifesté pour que le gouvernement négocie leur libération. Cette fois l’inquiétude des familles trouve un écho parmi des vétérans de Tsahal, du Mossad, des pilotes réservistes qui viennent de publier une lettre ouverte exigeant qu’on l’on garantisse la libération des derniers captifs même si cela passe par la fin de la guerre.
« Gaza est devenu une fosse commune pour les Palestiniens et ceux qui leur viennent en aide », s’indigne Médecins Sans Frontière devant la recrudescence des victimes et le blocus humanitaire. Réponse du ministre de la défense, Israël Katz : « aucune aide humanitaire n’entrera à Gaza ». Cette volonté d’obstruction pour des secours destinés à une population civile constitue à l’évidence un crime de guerre qui s’ajoute aux bombardements sur les hôpitaux, aux 408 travailleurs humanitaires fauchés par des tirs, aux 170 journalistes victimes des frappes et des snipers.
A La Haye, la Cour pénale internationale reçoit les plaintes, accumule les témoignages et constitue ses dossiers. A Bruxelles, l’Union Européenne vient de débloquer une aide financière de
1,6 milliard d’euros pour renforcer l’Autorité palestinienne, pile au moment où la Ligue Arabe souhaite que celle-ci reprenne la gestion de l’enclave gazaouie en lieu et place du Hamas.
L’aide financière à l’Autorité palestinienne aujourd’hui affaiblie n’est pas négligeable. Est-ce suffisant ? Après tant de mois de représailles, l’UE semble bloquée sur sa position de départ, celle d’une « réponse légitime » à l’agression terroriste du 7 octobre. Elle semble ignorer que l’on est passé à tout autre chose, que le cabinet israélien est l’otage d’une extrême-droite suprémaciste qui déroule son programme d’effacement des populations palestiniennes. L’aide financière n’exonère pas l’Europe d’une réaction politique avec des sanctions contre l’équipe dirigeante à Jérusalem. Épuisée par dix-huit mois de guerre, la société israélienne qui se bat contre les dérives illibérales du gouvernement actuel et le maintien de l’État de droit se sentirait moins seule.