Glucksmann descend dans l’arène

par Valérie Lecasble |  publié le 20/06/2025

Au coude à coude avec Mélenchon dans les sondages et en tête de la gauche non-LFI, le leader de Place Publique annonce sa vision en deux axes : une « France puissante au sein d’une Europe fédéraliste », et une « France solidaire et souveraine ».

Le coprésident du parti de centre-gauche Place Publique, Raphaël Glucksmann, le 23 mai 2025. (Photo Thomas SAMSON / AFP)

Il a attendu que le Congrès du Parti Socialiste soit derrière lui. Il ne voulait en aucun cas se mêler des querelles intestines de ce parti avec lequel il a l’habitude de travailler chaque jour au Parlement européen et qui l’a soutenu pour remporter 14 % des voix aux dernières élections européennes. Il a choisi sa ligne lorsqu’il a fermé la porte il y a plusieurs mois à tout accord programmatique ou électoral avec La France Insoumise. Juif, soutien inconditionnel de l’Ukraine face à la Russie, fervent défenseur de l’Europe, tout le sépare du parti de Jean-Luc Mélenchon qu’il taxe d’antisémitisme et dont il honnit l’idéologie anti-atlantiste qui théorise l’indulgence tant envers le régime de Vladimir Poutine que de celui des Mollahs iraniens.

Au sein d’un parti socialiste divisé, il s’entend bien avec tout le monde. Avec Nicolas Mayer-Rossignol dont il partage le refus total de toute alliance avec LFI mais aussi avec Olivier Faure qui l’a choisi et soutenu à deux reprises comme tête de liste aux élections européennes. Il a, avec les deux dirigeants du PS, une relation respectueuse et cordiale qui pourrait se révéler gagnante-gagnante en temps voulu, s’il devait s’imposer comme l’incarnation de la nouvelle génération sociale-écologiste à l’élection présidentielle.

Pour autant, Raphaël Glucksmann ne veut pas revivre le cauchemar du 9 juin 2024 où Emmanuel Macron lui vole sa victoire en annonçant la dissolution de l’Assemblée Nationale, le soir même où il ravit à LFI la première place à gauche aux élections européennes. Pour empêcher le Rassemblement National de remporter les élections législatives qui s’en suivent, la gauche s’accorde au sein du Nouveau Front Populaire sur la base du programme de … son ennemi juré LFI, qui est le seul à y avoir travaillé.

Muselé, furieux et désorienté, Raphaël Glucksmann jure qu’on ne l’y reprendra plus. Il décide au cours de l’été qu’il prendra son autonomie pour ne plus dépendre de personne. Il annonce fin août à La Réole qu’il structurera son micromouvement Place Publique en un véritable parti politique offensif et qu’il travaillera sur un projet pour juin 2025, afin d’être prêt cette fois en cas de nouvelle dissolution.

C’est donc ce lundi 23 juin dans la matinée que Raphaël Glucksmann se lance dans l’arène. A contre-courant des habituelles manœuvres d’appareil, sans négocier aucune alliance, il avance seul tant il croit en un socle idéologique pour clarifier ses positions et imprimer sa marque sur l’opinion. Après neuf mois de gestation, il accouche de son projet, selon deux axes : l’un plus international « d’une France puissante au sein d’une Europe fédéraliste » et l’autre plus national « d’une France solidaire et souveraine ».

En mars dernier, lors du Congrès de Place Publique, il avait dévoilé l’organisation de son parti qui est passé de 2 000 à 12 000 militants, compte 250 élus, décline des référents et assemblées territoriales dans chaque région, et est gouverné par un bureau exécutif.

Désormais, il révèle l’acte 1 de sa vision dans un recueil de 90 pages. Pour en arriver là, il a recueilli et sélectionné des centaines d’auditions d’experts. Il a sillonné la France, s’est déplacé une fois chaque semaine depuis le mois de janvier en Normandie, en Bretagne, en Ardèche, dans les Yvelines, à Ouessant ou… dans un sous-marin. Il a visité les territoires, échangé avec les agriculteurs, rencontré les policiers du quotidien dans les commissariats, écouté le personnel hospitalier.

A tous ceux-là, aux français, il veut proposer des solutions pour éviter aux « cocottes minute » qu’il a repérées lors de ces échanges, d’exploser que ce soit dans le domaine de la santé, l’éducation, le social, la défense, l’écologie ou la nécessaire réindustrialisation de la France.
Il veut aussi que le travail soit mieux rémunéré que la rente, qu’on s’occupe des enfants, y compris ceux de la DASS. Il croit que la souveraineté énergétique de la France passe par l’Europe, quand d’autres préconisent un repli sur soi.

Ce projet a vocation à se confronter avec le vécu des citoyens français selon une méthode dite « décoiffante » qui débouchera sur le récit de l’acte 2 de sa vision, soit un véritable programme qui le propulsera au cœur des prochaines batailles électorales, municipales et éventuellement législatives.

Et la présidentielle ? Même si les sondeurs voient déjà Raphaël Glucksmann comme le candidat de la gauche non-LFI, le temps d’une annonce officielle n’est pas venu, assure, prudent, son entourage. Absent depuis plusieurs mois de la scène médiatique française, cela ne l’empêche pas de coller aux basques de Jean-Luc Mélenchon à 10% dans les sondages et de faire la course en tête des candidats de la gauche non-LFI. Il y a un mois, il a repris la parole, en participant aux 4 vérités de France 2 ou à la matinale de TF1. Le voici dans l’arène. Pour lui, la mère des batailles commence aujourd’hui.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique