Glucksmann : neuf mois pour prendre le pouvoir
Le leader de Place Publique va structurer son parti et bâtir un programme en vue d’élections législatives qu’il prévoit en juin 2025. Avec un adversaire, le Rassemblement National.
Cette fois-ci, il sera prêt. Il ne se laissera pas surprendre, comme après cette funeste soirée du 9 juin dernier quand Emmanuel Macron avait annoncé sans crier gare la dissolution de l’Assemblée Nationale. Quelques jours avaient suffi à la gauche pour constituer le Nouveau Front Populaire et pour adopter un programme… sur la base de celui proposé par Manuel Bompard, le fidèle lieutenant de Jean-Luc Mélenchon.
Pourquoi Bompard ? Parce que les troupes socialistes d’Oliver Faure n’avaient pas assez travaillé pour en proposer un autre. Tout finit de dérailler le soir du 7 juillet, une fois le NFP arrivé en tête aux législatives. Jean-Luc Mélenchon prend la parole à 20.02 à la télévision et lance « le programme, rien que le programme et tout le programme ». Raphaël Glucksmann avait entériné un accord électoral avec le NFP pour combattre le RN. Il se cabre contre ce qui devient pour la gauche un dessein politique et pour lui un cauchemar, tant il est en guerre avec LFI. Olivier Faure laisse faire ; entre les deux hommes la rupture est consommée.
Désormais, Glucksmann vole de ses propres ailes. Il s’est senti trahi : on ne l’y reprendra plus. Pas question d’être à la remorque du Parti socialiste. « La politique est une affaire de dynamique. Nous allons aimanter et faire en sorte que les socialistes nous rejoignent », lance-il aujourd’hui. « Qui m’aime me suive », dit-il, fort de son joli score de 14% aux européennes qui a rendu une dynamique à la social-démocratie. Ils sont déjà quelques-uns à être venus à La Réole où son parti Place Publique faisait sa rentrée politique : les socialistes Carole Delga, Anne Hidalgo, Karim Bouamrane, Jérôme Guedj, Boris Vallaud, Patrick Kanner et Nicolas Mayer-Rossignol ; les écologistes Yannick Jadot et Cécile Duflot, et même deux macronistes Clément Beaune et Sacha Houlié. Ni François Hollande ni Bernard Cazeneuve ne semblent avoir été conviés…
S’il a fallu quelques mois de réflexion à Raphaël Glucksmann pour opérer cette rupture, c’est qu’il n’a pas l’expérience d’un appareil politique ni d’argent pour le faire vivre. Avec un seul député élu aux législatives, Aurélien Rousseau, issu de la macronie, il ne peut bénéficier du financement public des partis. Cela n’entame en rien la détermination des militants, tous bénévoles, qui revendiquent leur autonomie dans le sillage de leur chef. « Depuis le mois de juillet, avec les élections européennes puis législatives, nous sommes passés de 1 500 à 11 000 adhérents répartis dans toute la France. Nous avons plusieurs millions de sympathisants, nous sommes ancrés territorialement avec 400 élus, maires ou conseillers départementaux et régionaux, nous avons des référents dans chaque département, nous allons structurer notre parti. D’ici neuf mois, en juin 2025, notre offre politique sera prête », assène Raphaël Glucksmann.
Il s’agit maintenant d’élaborer un programme qui parle aux Français et permette à la gauche de dépasser le score de 30 % des voix où elle stagne depuis des années. Il sera à la fois social, démocrate et écologique mais aussi radical. « Jean-Luc Mélenchon n’est pas radical, il est juste ailleurs », commente Raphaël Glucksmann. « Il faut travailler dit-il. Je suis nul quand je ne comprends pas, je ne sais pas faire de récit ». Comme pour les européennes, il va disséquer, creuser, vérifier la pertinence de chacune des mesures venues du terrain qui, mises bout à bout, définiront sa vision. Il promet de déserter les plateaux de télévision pour se concentrer sur les « fermes » et les « buildings », afin de « construire un programme et un cap clair ». Son but ? « Prendre le pouvoir en 2025 ».
Quel pouvoir, quand la gauche n’a jamais été aussi éclatée ? « Un pouvoir rénové qui se partage, avec des coalitions et des rapports de force, pas tout moi ou tout toi, mais nous ensemble », décrit-il. Une culture du dialogue et du compromis pour « remporter des batailles culturelles et barrer la route à l’extrême-droite ». On se prend à rêver…