Gouvernement : quand Macron veut tout faire
Michel Barnier a plus grand mal à constituer son gouvernement, comme le montre la longue liste de ceux qui ont refusé. Il butte surtout sur un obstacle redoutable ; le président de la République.
Michel Barnier s’arrache les cheveux. Dans le processus de formation du gouvernement, en effet, rien ne va : ni la composition de l’équipe, ni les règles politiques, ni les relations entre le Premier ministre et le Président de la République. On savait qu’il était difficile, voire impossible, de travailler avec Emmanuel Macron. Édouard Philippe avait été limogé après la crise du Covid ; Jean Castex a été ramené au rôle de simple exécutant ; Élisabeth Borne est devenue une interlocutrice indésirable ; Gabriel Attal a été perçu comme un concurrent à peine venait-il d’être nommé.
Voici Michel Barnier à son tour empêché de nommer les ministres qu’il a mis tant de peine à recruter car ils ne correspondent pas aux souhaits d’Emmanuel Macron, tel Gérald Darmanin, qu’il voulait placer au ministère des Affaires étrangères. Du coup la tension monte. Michel Barnier annule sans explication son rendez-vous prévu avec Gabriel Attal, avant de reporter celui programmé dans l’après-midi avec le trio de la Droite Républicaine, Gérard Larcher, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau. Le théâtre de la scène parisienne bruisse des frictions entre les uns et les autres et chacun se pose la même question : Barnier va-t-il parvenir à ses fins et constituer un gouvernement « équilibré et pluriel » selon son souhait ? Ou bien va-t-il jeter l’éponge et démissionner ?
Quand on parcourt la liste, non exhaustive, de ceux qui à gauche ont refusé d’y entrer, on mesure la difficulté. Le jour même de la nomination du Premier ministre, Bernard Cazeneuve a refusé la responsabilité d’un grand ministère régalien au périmètre élargi. Stéphane Le Foll a peu après fait savoir publiquement dans les media qu’il avait lui aussi décliné. Philippe Brun, celui qui avait le meilleur profil, la compétence et l’expérience pour tenter de redresser à Bercy les finances dégradées de la France, s’est également désisté. Le très indépendant Charles de Courson, l’autre champion du budget, n’a pas voulu s’y coller, considérant, comme son camarade socialiste, que le gouvernement serait trop à droite pour pouvoir mettre en œuvre les mesures de justice fiscale à ses yeux indispensables.
Or comment former un gouvernement « équilibré » si aucune sensibilité de gauche n’y est associée ? En faisant preuve de créativité. C’est ainsi que Michel Barnier a imaginé mettre le revenant Arnaud Montebourg à l’Agriculture, la maire d’Avignon Cécile Helle à la Ville et au Logement et faire appel au macroniste de gauche François Rebsamen. Aucun de ceux-là n’a voulu.
D’autres accepteront-ils de renoncer à leurs valeurs pour occuper un poste ministériel ?
Rien n’est moins sûr. Voici donc Michel Barnier contraint de se recentrer sur son noyau dur de la droite traditionnelle, tout en portant un péché originel : il été adoubé par le Rassemblement national, une qualité pour un Laurent Wauquiez qui rêve de l’union des droites mais un défaut rédhibitoire pour tous ceux du front républicain qui continuent de considérer le RN comme un repoussoir.
Avec un tel début, on peine à imaginer la suite. Si on ajoute à cela la pomme de discorde de la hausse des impôts, on s’interroge sur quel soutien les 99 députés de Renaissance vont bien pouvoir lui apporter. Et si on additionne les 100 milliards d’euros dont la France a besoin au cours des cinq prochaines années pour se désendetter, on comprend que les candidats ne se bousculent pas au portillon.