Gouvernement : tous cocus !

par Sylvie Pierre-Brossolette |  publié le 20/09/2024

Avant même la finalisation de la nouvelle équipe ministérielle, une seule certitude : Barnier, la droite et le centre ont perdu.

Le chef du groupe parlementaire de l'Assemblée nationale du parti Les Republicans, Laurent Wauquiez, et le chef du groupe parlementaire du Sénat du parti LR, Bruno Retailleau, quittent l'hôtel Matignon, à Paris, le 19 septembre 2024. Le Premier ministre français Michel Barnier convoque le 19 septembre 2024, les chefs de parti et les groupes précédemment consultés dans le but de former un cabinet gouvernemental. (Photo de Magali Cohen / Hans Lucas via AFP)

On n’a pas besoin d’attendre la liste officielle des membres du gouvernement pour constater que les acteurs de la tragi-comédie du remaniement ont tous été roulés quelque part, qu’il s’agisse de la droite, du centre ou de l’hôte de Matignon.

La droite : son bonheur a été de courte durée. Éloignés du pouvoir pendant 12 ans, les vrais-faux vertueux Républicains se sont rués sur les postes virtuels de ministre, avec l’appétit d’élus affamés. Le Premier ministre étant de la famille, n’allait-il pas les traiter en chouchous ? A l’arrivée, c’est la déception. L’architecture du gouvernement ne leur réserve que trois postes de plein exercice et Bercy leur échappe, contraignant Laurent Wauquiez à un énième salto arrière. Longtemps hostile à la participation au pouvoir sous Emmanuel Macron, réticent à se mouiller dans une équipe issue d’une funeste dissolution, il s’était converti sous la pression de ses amis, emballés par le fumet des portefeuilles offerts par l’un des leurs, Michel Barnier. Le voici revenu à la case départ, dépité, condamné à jouer les surveillants.

Le centre : en apparence, Gabriel Attal, nouveau héros du jour, a arraché à Michel Barnier un meilleur équilibre au gouvernement, c’est-à-dire davantage de places pour Ensemble. Dans le rapport de force des héritiers du RPR et de l’UDF, les seconds l’emportent en nombre, même si le Modem s’estime lésé. Mais c’est sur le fond qu’ils se sont fait rouler. Les néo-macronistes ont poussé des hauts cris au sujet des impôts, Gérald Darmanin agitant même la menace d’une non-participation au gouvernement, voire d’un non-soutien au Parlement. A l’arrivée, aucune vraie garantie n’a été obtenue. Sauf une promesse de ne pas toucher aux classes moyennes que personne n’envisageait de toucher. Il y aura bien une imposition accrue des plus favorisés. C’était pourtant une « ligne rouge » de Macron, Attal et autres centristes du bloc central. Quant à l’immigration, les assurances sont des plus floues. Elles n’ont pas convaincu les centristes. Barnier promet d’être « humain ». Certes…

Michel Barnier : s’il a remporté ponctuellement son bras de fer avec les membres remuants de ses vrais-faux partis amis, il a dû plonger dans une sordide négociation qui a peu à voir avec les idées. La lutte des places a fait rage, les chefs de parti posant leurs exigences, faisant flotter un parfum des Républiques précédentes dont la Vème avait cherché à nous débarrasser. Les mauvaises habitudes sont revenues au galop. Pour le gaulliste qu’est Barnier, rude à supporter. Il devra désormais faire face à des partis qui voient l’occasion de jouer un rôle plus fort que jamais. Leurs chefs sont tous hors du gouvernement. Depuis l’Assemblée nationale, ils vont se livrer à un festival de déclarations à géométrie variable. Chacun a beau se tenir par la barbichette et avoir intérêt à ne pas tout faire capoter, une grande partie du pouvoir est passé de Matignon au Palais-Bourbon. Comme le dit Elisabeth Borne, après le « soutien sans participation », on risque d’avoir la « participation sans soutien ». On a connu les éléphants du PS. Voici les mammouths de la droite..

Sylvie Pierre-Brossolette

Sylvie Pierre-Brossolette

Chroniqueuse