Heil Musk ?
On ne sait à coup sûr si Elon Musk a fait un salut hitlérien au cours d’un meeting pro-Trump. Mais tout dans ses déclarations récentes le laisse penser…

Qu’a-t-il fait ? L’a-t-il vraiment fait ? C’est le buzz, les réseaux sociaux sont déchainés. Devant 20.000 partisans de Donald Trump, Elon Musk remercie la foule une main droite sur le cœur, puis il tend le bras, paume tournée vers le sol. Il se retourne et répète le même geste dans un autre axe, face au public.
Un « salut bizarre », dit une présentatrice de CNN, un « salut nazi » comme une « déclaration d’intention », réplique une ministre du gouvernement espagnol, on dirait « qu’il s’est retenu et qu’enfin il a pu se lâcher », ajoute un ancien élu démocrate sur le réseau X. L’homme le plus riche du monde, rompu aux médias depuis des années aurait donc fait un geste « ambigu » devant toutes les caméras du monde ? Musk s’est-il laissé emporter par l’euphorie de la victoire ? Pourtant, on l’a vu et revu ce geste, puisqu’il l’a exécuté à deux reprises. On a vu ce bras ferme, cette main tendue sans hésitation.
Sans doute les réactions seraient moins fortes si le patron de Tesla n’avait pas joué les bateleurs au profit de l’extrême droite européenne dans les derniers mois. Sa manière de dédiaboliser la droite extrême avec comme point d’orgue, une discussion sur X avec Alice Weidel, la patronne de l’AFD en Allemagne ou il a laissé dire qu’Hitler était un communiste et un socialiste, nous rend attentif au soutien qu’il apporte à Donald Trump avec ses capitaux et sa vision du monde.
Ce « Sieg Heil », le jour même de l’investiture du président Trump, fait donc trembler les murs du Capitole. Dans l’effet de sidération recherché par le 47ème président des Etats-Unis, il faudra en effet ajouter cette gesticulation lourde de sens de Elon Musk. A côté de la proclamation de l’état d’urgence à la frontière mexicaine, de la sortie des « accords de Paris » sur le climat, des menaces contre le Canada, on retiendra ce bras tendu dans ce moment de bascule des Etats-Unis.
L’homme le plus riche du monde est aussi l’un des tous premiers influenceurs. Libertarien en économie, adepte du zéro État, il fait la démonstration, sur ses réseaux, que la liberté d’expression sans limite peut façonner des récits alternatifs sur le monde contemporain comme sur le passé.
Pendant les décennies de la « guerre froide », le bloc de l’Est était sous le couvercle du totalitarisme, la liberté d’entreprendre et la démocratie étaient à l’Ouest. Dans l’air du temps de cette époque un peu lointaine, on associait le monde des affaires et le système démocratique. Mais la formation des opinions se nourrissait d’un foisonnement culturel et d’une offre politique assez large. Personne n’avait de monopole dans la définition du lien social ou du modèle de société.
Autour de Trump, une concentration inédite du monde des affaires vient de se mettre en place. A la différence de la vieille oligarchie industrielle du pétrole, de l’automobile et du monde de l’armement, les géants de la « tech » qui sont aux commandes ont les moyens de bâtir un narratif en appui à leur stratégie mais aussi la capacité de faire prendre un virage autoritaire à l’ancienne démocratie américaine. Une bascule multidimensionnelle est en marche. Elle interroge l’économie avec la fin du multilatéralisme, le politique avec la remise en cause des institutions américaines, la culture avec le rôle dévolu à la machine à produire des idées et des comportements que sont les médias sociaux.
Voilà pourquoi les deux bras tendus de Elon Musk ne sont ni ambigus, ni anodins.