Hidalgo : l’échec cinglant

par Valérie Lecasble |  publié le 01/07/2025

L’élection au premier tour de son ennemi juré Emmanuel Grégoire, pour concourir à sa succession, est un désaveu sévère pour la maire de Paris dont la brouille avec son ex-premier adjoint avait aussi pesé sur les résultats du congrès du parti socialiste.

Rémi Féraud, adjoint à la maire de Paris et maire du 10e arrondissement et Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris, Le Parti socialiste a organisé une primaire le 30 juin 2025 pour désigner son candidat aux élections municipales de 2026 à Paris. (Photo Joël SAGET / AFP)

C’est celui qu’Anne Hidalgo n’attendait pas. Elle l’avait pris en grippe en l’accusant de ne pas l’avoir assez protégée à l’Hôtel de Ville après son score de 1,75 % à l’élection présidentielle de 2022, puis lors de son voyage controversé à Tahiti. La rupture est consommée lorsqu’il s’émancipe de sa tutelle en remportant dès le premier tour le siège de député à Paris aux dernières élections législatives.

Voilà pourquoi, plutôt que de soutenir Emmanuel Grégoire qui avait pourtant été son fidèle ex-premier adjoint pendant de longues années, Anne Hidalgo avait choisi au débotté Rémi Féraud, sénateur de Paris, pour lui succéder à la mairie de Paris. Rebelote… Emmanuel Grégoire vient de gagner dès le premier tour avec 52,61 % des voix, la primaire qui l’opposait à Rémi Féraud. Une claque pour Anne Hidalgo qui quitte la mairie de Paris après douze années de mandat sur un désaveu.

On pourrait trouver le sujet anecdotique voire s’en réjouir car Emmanuel Grégoire est un candidat solide pour la gauche à Paris en vue des prochaines élections municipales, davantage sans doute que Rémi Féraud, une personnalité sérieuse mais effacée. Outre le fait qu’il a immédiatement appelé au rassemblement, Emmanuel Grégoire bénéficie d’un bon bilan et d’une image personnelle renforcée par le soutien récent à sa candidature de Bertrand Delanoë et de Lionel Jospin.

Il a mené une campagne propre où pas une seule fois, il n’a émis la moindre critique envers son ancienne patronne. Il a une vision claire de la capitale dont il a accompagné la transformation en luttant contre les voitures et la pollution et il souhaite à présent mieux l’organiser. Il est sans conteste compétent, apprécié et taillé pour le job. Mais cette élection confirme ce qui était déjà apparu lors du vote des militants pour le Congrès du parti socialiste : la brouille d’Anne Hidalgo avec son ex-premier adjoint rebat les cartes du rapport de forces au sein de la fédération socialiste de Paris, la plus importante du parti.

Pour se faire élire député, Emmanuel Grégoire avait en effet bénéficié aux législatives de 2024 de la dynamique du NFP, qui a remporté haut la main la moitié des circonscriptions dans la capitale, dont six d’entre elles au profit de La France Insoumise. Lors de la bataille pour le Congrès du Parti socialiste, il avait reçu dans la foulée le soutien d’Olivier Faure, tandis qu’Anne Hidalgo roulait avec Rémi Féraud pour Nicolas Mayer-Rossignol. Ce clivage parisien au sein de la bagarre globale a pesé : la fédération de Paris, la plus puissante du Parti socialiste, est dirigée par l’adjointe d’Anne Hidalgo, Lamia Araaje avec le concours de David Assouline. Or, elle a perdu des points lors du vote du congrès et Nicolas Mayer-Rossignol n’a recueilli à Paris que 47% des voix au premier tour et guère plus de 53 % au second, un score décevant dans ce bastion où elle avait jusque-là l’habitude de régner. Une pierre de plus dans le jardin d’Anne Hidalgo quand on sait que le résultat du congrès s’est joué à quelque 500 voix…

Pour sauver son poste, et contrer les ambitions d’Olivier Faure et Boris Vallaud, Lamia Araaje a dû s’adjoindre préventivement Emma Rafowicz et Maxime Degayet, un triumvirat qu’il ne sera pas aisé de gérer… Qu’en sera-t-il lors des prochaines élections municipales ? On peut redouter que la conjonction du poids pris à Paris par Olivier Faure dans la fédération socialiste, la place de numéro deux dans la course de l’écologiste David Belliard et le score de 14 % de la LFI Sonia Chikirou dans les sondages, ne fasse pencher très à gauche la campagne d’Emmanuel Grégoire, dans l’espoir d’attirer à lui les voix de l’Est parisien. Elle pourrait le pousser à des compromis avec LFI, que d’autres, comme Rémi Féraud, n’auraient pas accepté. De quoi tempérer la bonne nouvelle de son élection.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique