IA : gauche radicale ou obscurantiste ?
Le réflexe antiscientifique manifesté par la gauche radicale envers l’intelligence artificielle n’aura d’autre effet que de faire manquer à la France un tournant majeur, sans protéger en rien les travailleurs.
PAR RITA MAALOUF

En matière d’Intelligence artificielle, le catastrophisme technologique de la France insoumise fait décidément des ravages. Sur France-Info Sandrine Rousseau, pourtant économiste et ancienne vice-présidente de l’université de Lille, estime « qu’il y a d’autres priorités » que l’IA, par exemple « la fin du système capitaliste », sans dire un mot sur l’écologie. Dans une tribune publiée par Ouest-France, Chloé Ridel et Emma Rafowicz, responsables socialistes, exigent un « contrôle populaire » sur l’IA, comme aux beaux temps du maoïsme triomphant. Un peu tard pour s’y intéresser : l’Union européenne s’est déjà emparée de la question de l’éthique de l’IA et le rapport Draghi préconise de doubler le budget d’Horizon Europe à 200 milliards d’euros pour financer des recherches novatrices, notamment dans le domaine de l’IA et des semi-conducteurs, ce que ces deux députées européennes auraient dû activement soutenir.
La révolution de l’immatériel n’est pas seulement un stade du capitalisme, c’est une révolution anthropologique porteuse de progrès considérables. Or, jusqu’à preuve du contraire, la gauche soutient la science. On rappelle toujours l’avertissement de Rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». La gauche sait bien qu’il faudra adapter le droit à cette nouvelle phase du développement humain. Mais pour travailler à la régulation, mieux vaut ne pas rater le train de l’innovation. Et cela demande de l’investissement, de la formation, de la recherche. Si l’UE, et donc la France, ne saisissent pas le moment, elles seront reléguées au statut de colonies numériques des États-Unis ou de la Chine.
N’en déplaise à Emmanuel Macron, qui s’arroge souvent les succès des autres, ce sont François Hollande et Axelle Lemaire, en février 2017, qui ont lancé la stratégie nationale en ce domaine. À cette époque, le président fixait la ligne à tenir : « C’est toujours la même bataille entre l’espoir et la peur. Et il ne faut rien craindre. »
Oui, il est légitime de craindre la brutalité du capitalisme et l’aliénation des consciences engendrée par les algorithmes, de même que le mouvement ouvrier s’était insurgé contre le travail des enfants et lutté pour la journée de huit heures au moment de na naissance du capitalisme industriel. Mais Marx lui-même condamnait le refus du progrès technique. De la même manière, pour parvenir à une maîtrise éthique et sociale de l’IA, il faut en être. Cette révolution est technologique, économique, sociale et géopolitique. C’est une nouvelle ère pour l’humanité. « Il ne faut pas refuser un obstacle, mais s’appuyer dessus », disait François Mitterrand. Comme la France a su le faire dans d’autres domaines, il faut construire une culture collective de l’IA. La politique de l’autruche ne mène à rien, serait-elle radicale…