Temps scolaire : il faut briser le tabou
A Colmar le 2 février, Emmanuel Macron a mis en cause la durée des vacances scolaires. La levée de boucliers n’a pas tardé, pourtant la question est légitime..

Les vacances scolaires en France sont en moyenne plus nombreuses que celles d’autres pays de l’OCDE, puisque la France termine à la 6e place sur 32. Ce n’est pas seulement et principalement la pause estivale de 8 semaines qui soulève une interrogation, mais davantage encore les pauses de 15 jours toutes les 7 semaines de cours en moyenne.
Dans ce domaine, la France bat effectivement des records au seul bénéfice des intérêts de l’industrie touristique. Mais ces données brutes négligent deux aspects : le premier prend en compte le début officiel des vacances scolaires début juillet. La vérité commune des pratiques est autre avec un arrêt des évaluations trimestrielles mi-juin, des examens nationaux entrainant la multiplication des absences professorales non remplacées et un legs des générations précédentes faisant la part belle à l’école buissonnière dès que les enjeux ne sont plus. L’école est formellement ouverte, mais elle ressemble davantage à une garderie où se succèdent activités de socialisation, goûters et jeux de société qu’à un lieu de transmission des savoirs, même adapté ludiquement.
La seconde néglige l’importance de l’histoire économique et du climat. Le poids des traditions agricoles et le temps social de l’Europe méditerranéenne et latine ont globalement abouti à des ruptures estivales plus conséquentes, malgré des exceptions comme la Lettonie. Il n’empêche, la Grèce, l’Italie ou l’Espagne sont sur le podium des vacances d’été les plus longues tandis qu’une partie de la Scandinavie se démarque par des vacances intermédiaires inférieures à 5 semaines comme la Suède ou le Danemark. Conclusion ? Le problème est mal posé.
Le temps scolaire en France est effectivement catastrophique pour les apprentissages, un point sur lequel tous les spécialistes de l’éducation, indépendamment de leurs écuries, s’accordent. Les journées sont effectivement trop longues, comme le souligne Emmanuel Macron. Cela opère une sélection sociale et éducative qui n’est plus à démontrer, tandis que la longueur de la rupture estivale pénalise non seulement les plus démunis intellectuellement, mais également souvent les plus pauvres. Voilà un diagnostic sur lequel les organisations syndicales comme le ministère pourraient s’accorder, laissant postures et arrière-pensées au vestiaire. Malheureusement Sophie Vénétitay, grande prêtresse de la queue de comète du syndicalisme enseignant n’y voit qu’une diversion présidentielle afin de ne pas s’intéresser au sort des personnels délaissés. Réduire le temps de vacances scolaires est donc « loin d’être une urgence ». En quoi est-ce contradictoire ? Par quel contre-sens historique la gauche et le syndicalisme enseignant seraient-ils devenus les gardiens du conservatisme contre le mouvement et la réforme si elle est utile au plus grand nombre ?
La gauche et les organisations syndicales de la profession devraient au contraire saisir la balle au bond d’autant que les profs ne partent pas longtemps en vacances, faute de revenus convenables. Pourquoi ne pas revoir de fond en comble le rythme scolaire en commençant par la durée hebdomadaire, le temps social, culturel, sportif pour les jeunesses de ce pays ? Pourquoi ne pas admettre que les enfants des classes populaires sont broyés scolairement dès lors qu’ils commencent à trainer en bas des cages d’escalier dès mi-juin jusqu’au 1er septembre, sans le moindre accompagnement culturel tandis que d’autres bénéficient de visites, de lectures et d’un accompagnement familial fécond ? Pourquoi ne pas traiter les problèmes comme ils sont appréhendés aujourd’hui par l’ensemble de la communauté éducative en expliquant que raccourcir les vacances d’été est un mal nécessaire permettant de réduire la fracture éducative et scolaire à la condition d’exiger un plan État-région, départemental, municipal, permettant d’équiper les bâtiments scolaires avec une climatisation collective indispensable en attendant des constructions novatrices conformes aux normes environnementales pour les nouveaux établissements ?
Il y a tant à proposer pour une gauche utile au pays, sortie de son confort et de ses poncifs.
Derrière cette controverse caricaturale, se perd l’intérêt des nouvelles générations, périphériques à la manière de traiter la question. Pourtant, la dynamique du niveau de nos jeunes élèves, pris globalement, réitère chaque année la même leçon à qui veut l’entendre : changez, changez, changez pour éviter l’effondrement. Le changement ne pourra être opéré que par une approche systémique d’envergure tant le mal est profond.