Ils oublient Auschwitz

par Laurent Joffrin |  publié le 27/01/2025

Le 80ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz n’est pas seulement un nécessaire « devoir de mémoire ». Il vient faire honte à tous ceux qui veulent l’effacer.

Laurent Joffrin

Terribles et précieux témoignages des derniers survivants, cérémonies émouvantes, rappel essentiel de l’unicité de la Shoah, le plus grand génocide racial de l’Histoire, même si les massacres du stalinisme et du maoïsme l’ont surpassé en nombre, mais avec une nature différente… On ne rappellera jamais assez ce que fut cette expérience extrême dans l’inhumanité et la folie raciste, quand l’idéologie totalitaire du nazisme a justifié, théorisé, organisé le meurtre industriel de millions de Juifs d’Europe. N’oublier jamais…

Mais cette commémoration jette aussi une lumière crue sur les événements en cours dans le monde. Il s’agit d’abord de la guerre de Gaza et de l’accusation de génocide proférée avec entêtement contre l’armée israélienne, souvent composée de descendants des victimes de la Shoah. À Auschwitz, plus d’un million de civils innocents ont été assassinés et réduits en fumée par des moyens d’organisation modernes utilisés avec une efficacité obsessionnelle. À Gaza, 45 000 personnes sont mortes à la suite de bombardements ou au cours d’opérations militaires particulièrement brutales et meurtrières. Ce n’est en rien minimiser les souffrances des Gazaouis que de constater que les deux événements n’ont en aucun cas la même ampleur ou la même nature.

L’armée israélienne peut être accusée de crimes de guerres et devra s’en défendre devant l’Histoire, sinon devant des juges internationaux. Mais user du terme de génocide relève de la confusion mentale la plus élémentaire pour quiconque considère avec un minimum de bonne foi la réalité des deux faits historiques. Celle-ci trahit surtout une volonté d’imputer aux descendants des victimes du génocide le même comportement que celui du régime hitlérien, ce qui est pure calomnie, et tend à minimiser, par un effet boomerang, l’importance historique de la Shoah, dans une vicieuse concurrence des mémoires.

Auschwitz jette une lumière tout aussi sinistre sur le comportement des extrêmes-droites qui prospèrent, entre autres, grâce à l’effacement de la mémoire historique au sein d’un électorat oublieux et manipulé. Comment peut-on, après que les historiens ont documenté de la manière la plus précise le fonctionnement monstrueux de cette machine à exterminer, mise en œuvre par l’extrême-droite de l’époque en Allemagne, avec l’aide de complices du même courant dans de nombreux pays, continuer à tolérer ou à négliger les résurgences de l’ancien nazisme sous forme de provocations verbales, vestimentaires ou programmatiques, comme on en trouve dans les partis nationalistes contemporains ?

Comment le RN, qui se défend de toute complaisance avec les néo-nazis, peut-il encore fréquenter des partis européens qui trouvent expédient de parler positivement de l’ère nazie ou de reprendre peu ou prou les thèmes et les slogans de l’époque ? Comment peut-il, aussi bien, célébrer avec une prise de distance minimale la mémoire de son fondateur, Jean-Marie Le Pen, qui avait maintenu jusqu’au bout que les chambres à gaz étaient « un point de détail de l’Histoire », dans le but de banaliser la mise à mort des Juifs dans les camps, en la rangeant dans le cortège inévitable des exactions guerrières.

Comment, enfin, Elon Musk peut-il lui aussi, à titre de provocation, jouer du salut hitlérien, à quelques jours de l’anniversaire de l’ouverture du camp ? Au Proche-Orient comme en France, ces imbéciles et criminelles négations de la mémoire sont autant d’insultes aux femmes, aux enfants, aux hommes immolés dans l’usine de la mort.

Laurent Joffrin