Immigration : entre intégration et croissance
le débat sur l’immigration ne peut se limiter à son contrôle quantitatif, mais doit tout autant porter sur cet effort collectif d’assimilation
Les émeutes raciales de cet été en Grande-Bretagne (comme les attentats au couteau en Allemagne) doivent nous mettre en alerte. En France comme dans toute l’Europe, le débat sur l’immigration est dans l’impasse. Les forces de droite se concentrent sur le contrôle aux frontières, c’est-à-dire sur le volet défensif voir répressif, et celles de gauche sur des positions peu réalistes. Rares sont les politiques qui prennent le problème à l’endroit, c’est-à-dire en repensant les conditions d’ intégration des populations immigrées.
Commençons par le commencement, c’est-à-dire par la démographie. Les dernières publications de l’ONU à l’occasion de la journée mondiale de la population (juillet 2024) montre en moyenne globale une baisse générale de la fécondité : de 3,3 à 2,25 enfants par femme de 1990 à 2023. Le phénomène est considérable et ses conséquences méritent d’être examinées par grandes zones : dans un pays sur cinq, essentiellement le monde développé, les taux sont très faibles, tandis que la fécondité reste élevée dans plus de 27 pays, essentiellement en Afrique. Dans presque tous les pays d’Europe, l’excédent des naissances sur les décès n’est plus qu’un souvenir.
Combiné aux chiffres du vieillissement, le constat s’impose : dans les pays développés l’immigration dépassera l’accroissement naturel de la population. Faut-il le redouter comme le font les esprits chagrins ? Pas nécessairement ! L’Europe au premier chef aura besoin de l’immigration pour assurer un minimum de croissance économique.
En effet, le vieillissement déclenche l’appauvrissement, il diminue la population en âge de travailler, il affecte la productivité, il augmente l’inflation, il déséquilibre les finances publiques et fragilise la protection sociale. La France est de ce point de vue en première ligne puisqu’elle n’a jamais fait aussi peu d’enfants depuis la dernière guerre.
Ce seul constat devrait guider un changement de paradigme dans la politique a conduire. Il nous faut travailler à la hausse des taux d’emploi, à un effort massif d’innovation, à une politique familiale plus active. Et à une politique d’immigration à la fois sélective et ouverte. Cela suppose des remises en cause profondes, à commencer dans les esprits. On sait peu que 32 pour cent des immigrés en France ont un niveau d’éducation supérieur à bac + 3 alors que les Français a ce niveau ne sont que 19 pour cent.
En clair et contrairement aux idées reçues l’immigration contribue d’ores et déjà à améliorer le niveau de qualification du pays. Le spectacle des Jeux olympiques, la diversité d’origine des champions français, fut à cet égard exemplaire. Je ne suis pas toujours un admirateur des États-Unis. Mais reconnaissons qu’ils donnent en ce moment une belle leçon à nos esprits étriqués en s’apprêtant à élire une présidente métissée après avoir élu deux fois un Président de couleur.
Il faut être clair : l’immigration est non seulement inévitable, mais nécessaire. Et si l’on veut qu’elle ne fasse pas l’objet d’un rejet global, une politique volontaire d’intégration doit être menée dans tous les domaines, social, éducatif, culturel, etc … Une société est un organisme vivant qui doit être ménagé pour garder son équilibre. Tant que l’arrivée des nouveaux entrants ne sera pas accompagnée de façon à préserver cet équilibre, avec droits et devoirs associés, le problème restera source de malaise. Or cette politique globale d’assimilation reste à inventer.
Au plus près du terrain c’est à dire par la voie associative. En tant qu’ancien responsable de la politique d’aménagement du territoire je me suis souvent demandé pourquoi la répartition territoriale des populations immigrées n’a jamais fait l’objet d’une action coordonnée entre l’État et les collectivités locales. Combien de villages désertés pourraient en tirer avantage…
Ce n’est pas si simple, j’en conviens. Tout le monde n’est pas d’accord sur l’objectif sociétal : faut-il aller vers une France multiculturelle ou mono colore ? Droit du sol ou droit du sang ? L’indigence du débat public sur ce sujet trahit l’embarras de nos clercs les plus bavards. Une chose est sûre : il est impossible de traiter la grande majorité des immigrés d’aujourd’hui, qui viennent d’Afrique et qui sont musulmans, comme ceux d’hier, catholiques venus de Pologne ou d’Italie…
Une vérité en découle : le débat sur l’immigration ne peut se limiter à son contrôle quantitatif, mais doit tout autant porter sur cet effort collectif d’assimilation. Le choix en la matière est clair : il est entre intégration et croissance ou fermeture et déclin.