Impôts : la droite prise à contrepied
Michel Barnier envisage d’augmenter la taxation sur les classes les plus favorisées. Il rend ainsi hommage aux revendications les plus traditionnelles de la gauche.
Effet comique garanti… Habituellement quand la gauche, selon une ancestrale tradition, demandait qu’on fît payer les riches pour abonder le budget, la droite, selon une ancestrale tradition, se récriait hautement et criant à la démagogie, à l’irréalisme et à l’obsession confiscatoire. Las ! Voici que l’augmentation des impôts, mantra socialisant, émerge soudain dans le débat public. Par la faute de qui ? D’un homme de droite estampillé et revendiqué : le Premier ministre Michel Barnier, ancien chiraquien droitisé pour causes de primaires.
Enfer et damnation ! La droite croyait que son candidat du miracle, issu du groupe LR quand celui-ci forme l’un des plus petits groupes de l’Assemblée, était acquis à sa cause. Voici qu’il trahit en place publique et désavoue d’un coup tous les leaders de la coalition censé le soutenir, qu’il s’agisse de Laurent Wauquiez, pour qui la baisse des impôts est une religion ou Gabriel Attal, qui a fait sien le credo du président : tu peux faire ce que tu veux, sauf taxer plus les riches.
S’il se confirme – rien n’est sûr au vu des réactions provoquées par cette annonce – ce revirement traduit une impérieuse nécessité : au niveau de déficit où nous sommes, il est impossible, moralement et politiquement, de s’en tenir à des économies sur les dépenses publiques. Elles ne manqueront pas de réduire implacablement les dépenses sociales ou les moyens des services publics, c’est-à-dire de frapper les classes les moins favorisées. Dans ces conditions, tout gouvernement, de droite ou de gauche, peut difficilement éviter de se tourner aussi vers les plus prospères pour qu’ils versent, eux aussi, leur écot au nécessaire redressement financier. Ce n’est donc pas uniquement par l’effet de la tradition ou d’un souci moral que la gauche veut « faire payer les riches ». C’est en raison d’une évidente nécessité politique et financière.
Mais la gauche ne peut pour autant triompher : ces hausses d’impôt nécessaires ne suffiront pas, de loin, à éponger le déficit. Elles y contribueront, ce en quoi elles sont légitimes. Mais il y faudra bien d’autres remèdes : une bonne croissance (contre l’avis de beaucoup d’écologistes), un effort de rationalisation des dépenses (point aveugle des programmes de relance de la gauche), une réorientation des fonds publics vers l’investissement (sauf à risquer le déclassement définitif de l’économie française). C’est ainsi qu’une fuite d’apparence anecdotique nous conduit à la remise en question radicale des certitudes des uns et des autres.