Israël-Iran : la guerre des MAGA

par Pierre Benoit |  publié le 19/06/2025

Pris entre les deux fractions du mouvement qui l’a porté au pouvoir, Donald Trump hésite. En espérant que cette incertitude incitera les mollahs à lever le drapeau blanc.

Donald Trump s'adresse à la presse sur la pelouse de la Maison-Blanche, le 18 juin 2025. Mercredi, le président Trump a laissé en suspens la question de la participation des États-Unis aux frappes israéliennes contre l'Iran. « Je peux le faire, je peux ne pas le faire. Personne ne sait ce que je vais faire », a déclaré Trump. (Photo Brendan SMIALOWSKI / AFP)

Au sixième jour de l’intervention d’Israël contre l’Iran, la photo est déjà beaucoup plus nette. La guerre dicte son tempo, l’Iran vit au rythme des bombardements, le nombre des victimes civiles augmente, toutes les villes du pays sont menacées ou touchées, comme Tabriz. En Israël le « dôme de fer » déjoue l’une après l’autre les salves iraniennes, de sorte que le bilan des pertes civiles reste modeste par rapport à celles de l’Iran. À raison d’une centaine d’engins balistiques par nuit, le niveau d’attrition devrait vite être atteint pour Téhéran car on estime à deux ou trois milles missiles l’arsenal iranien.

La réalité militaire s’impose donc avec un rapport de force largement favorable à l’état hébreu. Netanyahou ne cache pas que l’opération va durer et s’intensifier. Les forces israéliennes ont une maîtrise du ciel iranien presque totale. Les frappes des premières heures sur les centres d’enrichissement de l’uranium semblent avoir été efficaces. Sauf pour l’une d’entre elle, celle de Fordo, une base nucléaire enterrée profondément dans une zone de montagne. Pour l’atteindre il faudrait des bombes « anti-bunker » très particulières que seuls les américains possèdent et qui n’ont pas encore livré à Israël.

L’opération déclenchée par Netanyahou dévoile aussi une intention politique : l’élimination des responsables des organes de sécurité du régime, de l’état-major de l’armée, et déjà de leurs successeurs, indique sans détour la volonté d’abattre le régime des mollahs. Netanyahou appelle au soulèvement de la population. Voila pourquoi tous les lieux de pouvoir sont devenus des cibles. On note aussi que certains commissariats de police de quartier, des centres de secours ont été ciblé dans la capitale iranienne.

Netanyahou savait ce qu’il faisait en agitant sa volonté de changer le régime de Téhéran : la réalité diplomatique de la guerre a aussitôt été occupée par Trump. Le président américain a commencé par qualifier Ali Khamenei de « soi-disant guide suprême » ajoutant dans la foulée un possible ciblage : « nous savons où il se trouve ». Et puis la bascule a eu lieu mardi lorsqu’il a dit « nous avons la maîtrise du ciel au-dessus de Téhéran. Il n’a pas dit « Israël a la maîtrise du ciel ». Ce n’était pas un lapsus : en bon opportuniste, le patron de la Maison Blanche se range déjà du côté des vainqueurs.

Depuis quarante-huit heures, le suspens continue. Trump ne parle plus de négociation avec les Iraniens, il menace d’intervenir, mais rien n’est tranché. L’effervescence bat son plein dans la galaxie Trump.

La droite identitaire du mouvement Maga qui a porté Trump au pouvoir est révulsée à l’idée que Washington puisse rejoindre Netanyahou dans sa guerre contre l’Iran. L’ancien présentateur de Fox News, Tucker Carlson, un des idéologues du régime, accuse Trump de complicité « dans un acte de guerre ».

« L’hésitation de Trump traduit d’abord la division profonde qui existe au sein des « trumpistes ». Les MAGA purs et durs, sont contre toute idée d’implication de l’Amérique dans une guerre nouvelle, surtout au Moyen Orient. Trump était plutôt contre la guerre en Irak en 2003, ses partisans le lui rappellent », souligne Dominique Moïsi, conseiller à l’Institut Montaigne.

Mais dans l’équipe de la Maison Blanche, l’influence des anciens néo-conservateurs perdure aussi. Le vice-président JD Vance apparaît comme une sorte de passerelle entre les radicaux MAGA et l’ancienne garde des années Bush, celle de l’intervention en Irak.

Si Trump donne aujourd’hui l’impression d’hésiter, c’est parce qu’il sait qu’il va déplaire à sa base électorale. Mais cela ne compte plus vraiment. La perspective de participer à une possible chute du régime des mollahs lui trotte déjà dans la tête. « Avec l’entrée en guerre des États-Unis, reprend Dominique Moïsi, Américains et Israéliens peuvent rendre la menace d’autres attaques sur les sites nucléaires tellement crédible, tellement spectaculaire que le régime iranien va s’effondrer. Donc Khamenei voudra essayer de se sauver en capitulant sur la question du nucléaire. Après quoi, il sera tellement humilié, que les iraniens d’eux même chercheront le renverser ».

Le temps d’attente imposé par Trump ne vise qu’à persuader les Iraniens que les États-Unis vont intervenir. Pression maximum pour faire reculer Khamenei. Il ne lui reste peut-être que 48 ou 72 heures pour faire connaître sa décision. Trump, comme souvent, joue au poker menteur.

Pierre Benoit