Israël-Iran : la ruse de Trump
Le président américain affecte de rester en marge de l’attaque israélienne contre l’Iran. Mais en fait, il a sans doute joué un rôle actif dans la préparation de l’opération, en endormant la vigilance des Iraniens. Ce qui le handicapera dans les futures négociations.
Hésitation, ou opération d’intoxication ? Depuis l’annonce surprise de négociations directes sur le nucléaire iranien lors de visite de Netanyahu à Washington en avril dernier, Donald Trump n’a cessé de manifester une certaine souplesse envers Téhéran, en laissant entendre que les États-Unis ne laisseraient pas Israël attaquer tant que ces discussions se poursuivraient.
Certes, il n’a cessé de dire dans le même temps qu’il n’excluait pas une attaque mais cette vague menace était perçue comme du bluff et un moyen de mettre la pression sur l’Iran. Trump, pensait-on, appliquait à la diplomatie nucléaire sa méthode du choc maximal utilisée avec les droits de douane : annoncer des droits très élevés pour négocier ensuite.
Il est encore trop tôt pour savoir quand et sous quelle forme les États-Unis ont su que cette opération aurait lieu, et la nature du feu vert qu’ils ont donné. Mais la rencontre prévue à Oman le dimanche 15 juin entre négociateurs américains et iraniens, les fuites savamment organisées sur des conversations entre le chef d’état-major israélien et l’envoyé spécial de Trump Steve Witkoff prévoyant des dégâts majeurs en cas d’attaque israélienne, ont donné l’impression aux Iraniens qu’aucune offensive n’était à l’ordre du jour. Ce qui a assuré aux Israéliens un effet de surprise maximal le jour du bombardement.
Dès lors, l’opération est autant une victoire politique pour Trump qu’un risque diplomatique pour les États-Unis. Le président se pose un allié fiable d’Israël, capable de tenir sa promesse de dureté. Il avait donné aux deux parties 60 jours pour finaliser un accord : l’attaque a eu lieu 61 jours après cette annonce. Il apparaît comme un leader fort et décidé et gomme son image de velléitaire reculant au dernier moment, tout en n’engageant pas les forces armées américaines, respectant ainsi le mantra d’America First.
Mais dans le même temps, la duplicité de sa démarche affaiblit la crédibilité diplomatique des États-Unis. La parole de « Trump homme de paix » est reniée et l’annonce par Netanyahu que cette opération a été décidée dès le mois de novembre ajoute un nouveau doute sur la bonne foi des États-Unis dans ce dossier. Du coup, il est très peu probable que la demande de Trump enjoignant l’Iran de reprendre les négociations soit entendue.
A ce stade des conjectures, Trump sort vainqueur de cette première phase de cette opération, mais pour restaurer sa crédibilité d’homme recherchant la paix, dans la région et au-delà, il devra redoubler d’efforts pour donner des gages à ses nouveaux alliés du Golfe, au premier rang desquels l’Arabie Saoudite, pour ouvrir une nouvelle phase diplomatique. Il n’est donc pas impossible que cette attaque contre l’Iran l’oblige à augmenter la pression sur Israël pour achever la guerre de Gaza, et ouvrir une nouvelle page dans la région.
Cette perspective est d’autant plus vraisemblable qu’une opération couronnée de succès pourrait donner à Netanyahu l’occasion de finir cette guerre de Gaza par le haut en décidant que le cycle ouvert par le 7 octobre est désormais refermé, puisque le principal soutien du Hamas, l’Iran, est à son tour hors d’état de nuire. Netanyahu pourrait même se permettre de voir sereinement son extrême-droite quitter la coalition en cas de fin de la guerre de Gaza, provoquant de nouvelles élections, qu’il pourrait gagner en raison d’une popularité retrouvée.