Israël-Iran : salves de mensonges
Toujours le fracas des propagandes croisées qui rende la vérité inaudible, si bien que le débat sur l’attaque israélienne contre l’Iran devient le lieu de la confusion politique et mentale.

Quelques remarques élémentaires sur les discours de guerre symétriquement tenus par les belligérants et leurs partisans, qui visent comme toujours à brouiller la perception des citoyens de bonne foi.
Israël, d’abord. Les frappes aériennes, dit le gouvernement Netanyahou, sont justifiées par l’imminence de l’acquisition de l’arme atomique par le régime des mollahs. Léger problème : Tulsi Gabbard, trumpiste de choc nommée par le président à la tête du renseignement américain, déclare benoitement que les agences américaines « continuent d’estimer que l’Iran ne construit pas d’arme nucléaire et que le Guide Suprême Khamenei n’a pas autorisé le programme d’armes nucléaires qu’il a suspendu en 2003 ». Pour toute réponse, Donald Trump déclare : « Je me fiche de ce qu’elle dit ». Argument décisif…
On invoque aussi les alarmes exprimées par l’Agence internationale de l’énergie atomique, qui dénonce les entraves opposées par l’Iran au travail de ses inspecteurs et fait part de son inquiétude devant un enrichissement de l’uranium très supérieur en Iran à ce qui est nécessaire à l’usage civil du combustible. Choses effectivement très inquiétantes. Mais l’agence n’a jamais dit que les mollahs disposeraient à courte échéance d’une arme nucléaire, ce qui laissait dès lors le temps de poursuivre la négociation ouverte par Donald Trump avec les autorités de Téhéran. Autrement dit : il n’y avait aucune urgence impérative à déclencher une attaque et probablement plus d’espoir d’obtenir une limitation du programme iranien par un accord international, comme lors du traité de Vienne, que par l’usage de la force.
Du coup, les contempteurs de l’attaque israélienne – en France la gauche radicale, par exemple – fustige des attaques inutiles et, surtout, illégales, vouant l’opération contre l’Iran aux gémonies. C’est un fait que les « guerres préventives », comme celle d’Iran, ne sont pas autorisées par le « droit de la guerre », qui restreint les offensives militaires licites aux cas de légitime défense face à une agression évidente.
Mais ce qu’oublient soigneusement de dire ces procureurs de l’État hébreu, c’est que les dirigeants iraniens se moquent du droit international comme de leur premier turban. Prendre d’assaut une ambassade étrangère et retenir des centaines de diplomates en otage, est-ce conforme du droit international ? Ce fut pourtant le premier geste important du nouveau régime iranien en 1979. Soutenir, financer, guider des organisations terroristes comme le Hamas, le Hezbollah ou les groupes Houthis du Yémen, est-ce conforme au droit de la guerre ? Soutenir perinde ac cadaver le régime barbare de Bachar El-Assad, est-ce conforme au droit international ? Projeter contre les villes israéliennes des centaines de missiles, sans égards pour les civils, est-ce conforme au droit international ?
On dira : mais l’Iran est une dictature ; les démocraties, elles, doivent obéir au droit. Certes. Mais on néglige un deuxième élément. Le régime iranien, par la voix de ses dirigeants, appelle sans cesse, depuis des décennies, à la destruction pure et simple de l’État d’Israël, cas unique sur la scène internationale. Pour la population israélienne – pas seulement pour le gouvernement – qu’un tel régime puisse se doter un jour de l’arme nucléaire est tenu pour une menace mortelle. Les Israéliens ont-ils tort ? Bien péremptoire celui qui l’affirme, surtout s’il n’habite pas dans le pays.
Il ne s’ensuit pas que le gouvernement Netanyahou a raison de bombarder. Il tue des civils iraniens sans être certain, de surcroît, d’atteindre ses objectifs. La guerre fait monter la tension dans la région et porte en elle le risque d’une extension du conflit. La négociation, demandée à l’origine par Trump, était un moyen tout aussi crédible de contenir les agissements iraniens, et beaucoup moins dangereux pour tout le monde. Cette position est celle des Européens, qui réprouvent la guerre sans pour autant se désolidariser d’Israël quand le pays est exposé à des attaques massives de missiles. Position nuancée, ou ambiguë, comme on voudra, mais qui, une fois les mensonges propagandistes de deux bords réfutés, est somme toute rationnelle.