Israël-Palestine : pendant la trêve, la guerre continue
Le cessez-le-feu est maintenu vaille que vaille à Gaza. Mais en Cisjordanie, le conflit continue à bas bruit, attisé par l’extrême-droite et les colons israéliens.

En trois jours, des centaines de familles palestiniennes ont quitté leur camp de réfugiés de Jénine. Installé dans cette petite ville du nord de la Cisjordanie occupée, ce camp est connu pour être une place forte du Hamas et du Djihad islamique. L’annonce de l’évacuation a été faite par des porte-voix fixés sur des drones ou depuis les blindés quadrillant la cité. Un soldat leur a crié : « ici, c’est Israël, sortez de vos maisons ».
L’état-major ne reconnaît pas avoir donné un tel ordre. Pourtant, l’opération porte un nom, « mur de fer », et elle a déjà fait douze morts, une quarantaine de blessés selon les Nations-Unies. Elle s’inscrit dans un nouvel objectif de guerre exigé par les petites formations d’extrême droite composant la coalition du gouvernement Netanyahou : « renforcer la sécurité en Judée-Samarie ». Ici, la guerre des mots est déjà un premier échelon dans la violence symbolique de la situation, puisqu’il s’agit bien de la Cisjordanie occupée par Israël depuis 1967.
Cette opération a démarré le mardi 21 janvier, quarante-huit heures après l’amorce du cessez-le-feu à Gaza et les premiers échanges. L’accord sur Gaza a précipité la démission de Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité Nationale et patron du petit parti extrémiste « Force Juive ». Son départ a affaibli Netanyahou à peine doté désormais de deux voix de majorité à la Knesset.
En quittant son bureau, Ben Gvir a dit à ses collaborateurs, « je reviendrai au ministère pour terminer ce que j’ai commencé ». Citant une source policière, le quotidien Haaretz dévoile qu’il a laissé une note pour les responsables des agences de sécurité. Dans ce document il détaille sa politique d’armement, le traitement des prisonniers de sécurité et leur demande de poursuivre cette mise en œuvre. Durant son mandat l’ancien ministre a procédé à de nombreuses nominations et promotions ce qui laisse penser qu’avec ou sans lui, les choses devraient continuer comme avant. Dans l’introduction de son texte, Ben Gvir appelle aussi à une nouvelle augmentation du nombre des civils armés.
Pendant les quinze mois de l’offensive israélienne sur Gaza, une guerre à bas bruit s’est déroulée dans les territoires occupés de Cisjordanie. Il y eut peu d’image sur ces affrontements moins spectaculaires que les bombardements aériens. A la fin de l’année 2024, on a pourtant dénombré plus de sept cents victimes palestiniennes pour cette seule région. Une bonne partie de ce bilan est imputable à des colons qui s’en sont pris aux agglomérations palestiniennes ou à des agriculteurs sur leurs champs. Les colons, dont beaucoup soutiennent le ministre démissionnaire Ben Gvir, n’ont jamais eu la moindre difficulté pour obtenir des autorisations de port d’arme. C’est la raison pour laquelle il réclame dans sa note de départ un renforcement de cette force armée composée de civils.
Les habitants de Al Funduq, un village du nord-est de la Cisjordanie, sont restés éveillés toute la nuit du 20 au 21 janvier. Un groupe d’extrémistes israéliens voulait pénétrer dans l’agglomération. Les habitants ont tenté de les repousser en jetant des pierres. Les assaillants ont eu le temps de brûler des commerces, des ateliers. La police israélienne a mis plus d’une heure pour se rendre sur place. Le village de Al Funduq est situé en « zone c », l’Autorité palestinienne n’y exerce aucun contrôle.
La situation est volatile en Cisjordanie. La libération des otages va vite paraitre très longue : trois femmes le premier week-end, quatre soldates pour le second week-end avec une mise en scène politique du Hamas qui a l’heur de froisser l’opinion israélienne. Dans cette première phase de 42 jours, on parle de 33 otages à échanger contre plus d’un millier de détenus palestiniens. En reconnaissant sa responsabilité dans l’échec militaire de l’attaque du 7 octobre 2023, le chef d’état-major Herzi Halevi a claqué la porte le 21 janvier assurant sobrement que « les objectifs de la guerre n’ont pas tous été atteint ». C’est le moins que l’on puisse dire : sur les images qui nous parviennent, on voit aujourd’hui des combattants du Hamas en uniforme assurant la sécurité dans des rues de Gaza pleines de gravats.
Un ministre qui démissionne, un chef militaire qui quitte la partie, une opinion qui veut tourner la page, les jours semblent comptés pour Netanyahou à la tête du gouvernement. A moins que la guerre ne reprenne…