Italie : et si le populisme avait fait son temps ?

par Marcelle Padovani |  publié le 20/09/2024

Naguère triomphants, les deux partis populistes de la péninsule, la Ligue et 5 étoiles, connaissent un déclin apparemment sans rémission.

Matteo Salvini à la clôture de la campagne électorale de "Lega per Salvini Premier" pour l'élection du Parlement européen, le 01 juin 2024 à Milan (Photo par Alessandro Bremec / NurPhoto via AFP)

Les analystes politiques péninsulaires sont pris de court, mais la tendance se confirme peu à peu : serait-ce la fin de l’âge d’or du populisme italien ? Les ennuis commencent, en tout cas, pour les leaders des deux partis concernés, l’un de droite et l’autre de gauche : Matteo Salvini, vice-Premier ministre et patron de la Ligue, et Giuseppe Conte, ex-président du Conseil et leader du Mouvement 5 Étoiles. Ceux-là même qui ont occupé la scène politique depuis plus de quinze ans.

Le premier, Salvini, affronte un procès où il risque six ans de prison : c’est la peine réclamée par le ministère public du tribunal de Palerme le 16 septembre dernier. Salvini est accusé d’avoir « séquestré » pendant 20 jours, au large des côtes siciliennes 147 migrants sur le bateau de l’ONG Open Arms, risquant un désastre humanitaire, dans le but de leur interdire de mettre pied sur la terre italienne. C’était la mi-août 2018, et le vice-Premier ministre était à l’époque responsable de l’Intérieur. Verdict à la mi-octobre. Une déchéance qui contraste, en tout cas, avec les relatifs succès de sa concurrente plus classique Giorgia Meloni.

Giuseppe Conte, patron des 5 Étoiles, risque la scission de son organisation, accusé par son fondateur, le comique Beppe Grillo, d’avoir trahi les objectifs politiques de départ, qui étaient « antitout » et délibérément populistes. Comme il semble loin le gouvernement Conte, né de la victoire électorale de 2018 et de l’alliance entre les 5 Etoiles (32% des suffrages) et la Ligue (17%) ! Il leur avait permis d’imposer pendant quinze mois une politique hybride un peu à gauche et beaucoup à droite, qui se fera remarquer pour ses décrets anti-migrants, sa sympathie pour le président américain Donald Trump et pour le tsar russe Vladimir Poutine. Une sympathie qui perdure aujourd’hui, marquée par hostilité des deux leaders envers l’Union européenne et leur réticence à fournir des armes à l’Ukraine.

Les deux partis parient maintenant sur le retour de Trump à Washington, sur la victoire de Poutine à Kiev et sur l’exil de Volodymyr Zelensky, événements qui, pensent-ils, pourraient enrayer des résultats électoraux en chute libre, à moins de 10% chacun et confirmés par des sondages calamiteux pour l’avenir.

Rien n’y fait, en réalité. La Ligue se situe maintenant à la droite du Rassemblement national français, en se disant par exemple hostile au lancement d’armes occidentales sur le territoire russe. Les 5 Étoiles s’évertuent en vain à saboter l’alliance à gauche avec un Parti démocrate crédité de plus de 20% des suffrages et d’un probable leadership de l’opposition, marquant le retour d’un centre-gauche lus traditionnel. « Le laboratoire italien » sera-t-il le précurseur d’un post-populisme finalement converti à l’Europe et à l’antiracisme ? Comme le dit l’éditorialiste du quotidien indépendant Il Foglio, « la vraie politique, un jour ou l’autre, reprend ses droits ».

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome