Italie : sexe, voyages et trafic d’influence
La ministre de la Culture licencie une collaboratrice qui était aussi sa maîtresse. Vaudeville et scandale au pays de Giorgia Meloni…
Elle frôle le mètre quatre-vingts. Il se contente d’un petit mètre soixante-cinq. Elle a 47 ans, il en a 62. Elle affiche un style de « proie sexy » avec sa bouche toujours ouverte et ses lèvres fardées. Il s’en tient au look rond-de-cuir, avec ses grosses lunettes et son crâne dégarni.
Lui, c’est – ou plutôt c’était – le ministre de la Culture du gouvernement Meloni, Gennaro Sangiuliano. Elle, la manageuse-influenceuse d’un site culturel et touristique comptant quelque 130.000 followers, Maria Rosaria Boccia. A priori mal assorti, le couple est à l’origine du « scandale des scandales », une histoire de sexe, de sentiments et de trafic d’influence qui fait tache dans le gouvernement Meloni, en principe voué à une monacale austérité.
L’affaire commence à bas bruit à la fin août, lorsque Maria Rosaria dénonce l’annulation de son futur contrat de « conseillère du ministre de la Culture », par le ministre Gennaro Sangiuliano. L’histoire se pimente quand on comprend que les deux protagonistes sont liés par des relations qui ne sont pas seulement culturelles. Suivra sur les médias une myriade embarrassante de photos, de ragots, de vraies révélations et fake news, vite surnommée le « Sangiulianogate ».
Le ministre se résigne à présenter publiquement ses excuses à sa femme, sans toutefois éclaircir les raisons pour lesquelles il a licencié sa collaboratrice de fait. Le « Sangiulianogate » gagne encore en ampleur quand un tribunal lance une enquête sur le ministre de la Culture pour « préjudice financier », « détournement de fonds » et « révélation de secret officiel ». Pour parler clair, Sangiuliano est accusé d’avoir utilisé de l’argent public pour offrir de coûteux déplacements à Maria Rosaria Boccia alors qu’elle ne jouissait d’aucun titre officiel.
L’affaire prend un tour plus politique quand la jeune femme adopte soudain un ton agressif pour commenter on licenciement. Soudain muée en réformatrice des mœurs politiques, elle déclare solennellement : « Si c’est le caprice qui commande dorénavant l’action gouvernementale, nous sommes en train de passer à un nouveau type d’exécutif : la dictature ».
Pendant ce temps, dans un tout autre registre, Mario Draghi, ex-Président du Conseil, et ex-patron de la Banque centrale européenne, produit un épais rapport qui prophétise le déclin historique de l’Europe et propose une série de mesures propres à l’enrayer, déclenchant un vaste débat dans toute l’Union. Cette discussion décisive pour l’avenir, dans laquelle le responsable italien joue un rôle central, est occultée dans les médias par les sulfureuses péripéties du Sangiulianogate. Ainsi va l’inépuisable « Commedia dell’Arte » qui donne tout son charme à la vie politique italienne.