Jadot : le Vert qui défie les roses
En se déclarant candidat à la mairie, le sénateur écologiste fait un double pari : imposer sa ligne sociale-démocrate chez les Verts, puis dominer à gauche, au moment où les héritiers d’Anne Hidalgo se déchirent.

La candidature de Yannick Jadot à la mairie de Paris intervient à point nommé. Quelques jours seulement après l’émancipation des socialistes qui ont refusé de céder à l’injonction de la France Insoumise de voter la censure du gouvernement de François Bayrou, le sénateur écologiste de Paris, prend la liberté de partir seul à l’investiture sans avoir été adoubé par son parti EELV.
Quelle mouche a donc piqué Yannick Jadot ? Quel courage inattendu l’a ainsi fait sortir de sa réserve ? On l’a connu plus précautionneux. Mais depuis que la dissolution puis la constitution du Nouveau Front Populaire (NFP) a donné son envol à la cheffe de son parti, Marine Tondelier, qui s’affiche bonne copine avec sa veste verte, toujours souriante devant les médias, il a fini par se convaincre de la nécessité de se lancer.
Militante à Hénin-Beaumont, le fief de Marine Le Pen, Marine Tondelier a en effet enfourché tous les préceptes de LFI. Et si parfois, elle a pris de la distance en acceptant de négocier avec le gouvernement Bayrou, elle a systématiquement contesté toutes les avancées qu’il lui a proposées jusqu’à rejoindre sur sa ligne le vote de la censure prôné par Jean-Luc Mélenchon.
Yannick Jadot n’est pas de ce bois-là. Ex-député européen, candidat à la présidentielle puis sénateur de Paris, il défend une ligne écologiste sociale-démocrate, bien éloignée du bruit et de la fureur de Jean-Luc Mélenchon. Il désigne Rachida Dati comme son unique adversaire et propose pour la battre de rassembler derrière lui d’abord les écologistes puis l’ensemble de la gauche. Il se pose enfin comme le seul capable de réunir la gauche pour défaire la droite qui persiste à ignorer les effets du réchauffement climatique à Paris.
La manœuvre est osée et personne ne sait encore si elle peut réussir. Mais ses chances ne sont pas négligeables. La tactique résulte d’abord de l’éparpillement électoral à gauche. Ayant répudié son ex-adjoint Emmanuel Grégoire qu’elle accuse de l’avoir trahi, Anne Hidalgo s’est repliée sur son deuxième adjoint Rémi Féraud qui a lancé depuis plusieurs semaines sa campagne municipale afin de s’imposer comme son héritier lors de prochaines primaires socialistes à Paris.
Inconnu du grand public, Rémi Féraud a les qualités pour s’imposer au sein de l’appareil politique municipal mais il peine à incarner le bilan d’Anne Hidalgo. Par ailleurs, le bilan des socialistes à Paris est aussi celui des écologistes. Enfin, la ligne LFIste de Marine Tondelier pourrait empêcher les Verts de tirer leur épingle du jeu lors de municipales où sera aussi en lice à Paris un candidat de LFI – on évoque Sophia Chikirou, proche de Mélenchon.
C’est donc cette triple opportunité que tente de saisir aujourd’hui Yannick Jadot, convaincu que Marine Tondelier se fourvoie dans une stratégie perdante. Il surfe sur la division des socialistes, et veut convaincre son propre camp qu’il incite à le soutenir. Ainsi, cite-t-il dans Le Parisien, les autres candidats potentiels que sont à Paris Fatoumata Koné, Anne-Claire-Boux, Aminata Niakaté et David Belliard, le dernier étant le mieux placé mais pense-t-il moins bien que lui.
Après vingt années de domination socialiste à Paris sous Bertrand Delanoë puis Anne Hidalgo, où les écologistes ont fait figure de simple soutien, serait-il temps d’inverser le rapport de forces, en profitant de la division des héritiers d’Anne Hidalgo pour tenter de prendre la tête de l’alliance traditionnelle des Verts avec les socialistes et les communistes ?
Une façon de donner à l’héritage une couleur nouvelle. Le pari est jouable car le tempo des municipales s’y prête, une année avant l’élection présidentielle où la ligne sociale-démocrate aura besoin de toutes ses forces disponibles. Le Sénat où Yannick Jadot a été élu sur la liste parisienne en septembre 2023, est une bonne base de conquête.
On se souvient qu’en septembre 2011, le socialiste Jean-Pierre Bel avait opportunément gagné la présidence du Sénat, quelques mois avant la victoire de François Hollande à l’élection présidentielle de 2012. Comme un signe de la dynamique alors enclenchée.