La crise politique se paie en emplois

par Gilles Bridier |  publié le 28/01/2025

L’absence de boussole économique fait progresser le chômage. Les débats qui s’embourbent dans les menaces de censure ajoutent au désarroi des entreprises et des ménages – tous deux incapables de se projeter.

Panneau d'une agence France Travail en Vendée. (Photo de Mathieu Thomasset / Hans Lucas via AFP)

Les chômeurs passent à la caisse. Après la crise politique qui a déclenché une crise financière qui s’est elle-même transformée en crise économique, voilà la crise sociale qui s’installe à son tour. On perçoit, comme marqueur, la reprise du chômage en hausse de 3,7% sur un an en fin d’année en France métropolitaine, et même de 4% sur le dernier trimestre par rapport au précédent, indique France Travail. Logiquement, vu le contexte, la situation s’est aggravée en fin d’année.

Sans boussole économique, les entreprises gèlent leurs investissements, leurs sous-traitants baissent le rideau et les services aux entreprises sont au point mort. Ainsi, presque 68.000 procédures de défaillances d’entreprises ont été enregistrées par le cabinet Altares l’an dernier. Cela explique le nombre élevé d’emplois – plus de 255.000 – qui s’apprêtent à être rayés de la carte, la majeure partie au cours du deuxième semestre de l’année. Le même plongeon qu’au sortir de la crise de 2008 ! Mais, aujourd’hui, la crise est circonscrite à la France uniquement, lanterne rouge de l’Europe avec l’Allemagne sur les prévisions de croissance de l’OCDE, mais définitivement seule à afficher un déficit budgétaire record. 

Le processus politique et les empoignades partisanes qui ont conduit à la censure du gouvernement Barnier ont dérouté les acteurs économiques. À tel point, qu’en fin d’année, patronat et syndicats (à l’exception de la CGT) avaient publié une déclaration commune appelant les partis politiques à l’esprit de responsabilité, insistant sur « le risque d’une crise économique aux conséquences sociales dramatiques ». Démarche inédite, certes, mais qui n’aura pas suffisamment alerté. La crise s’enkyste en France et l’Assemblée Nationale ne sait plus raisonner autrement qu’en terme de censure. Sans visibilité et sans cap défini pour se projeter, les entreprises comme les ménages font le dos rond.

D’après l’institut Rexecode, une entreprise sur cinq aurait annulé des décisions d’embauche et d’investissement du fait d’une incertitude politique en France. Pourtant, un délai supplémentaire a été accordé aux entreprises qui ne parviennent pas à rembourser leur prêt garanti par l’État souscrit pendant la période Covid. Et la baisse de l’inflation aurait dû être favorable à une relance de la consommation, et par là à l’activité de production. Mais, du côté ménages, les difficultés persistent. Et pour ceux qui ne bouclent pas les fins de mois à découvert, l’inquiétude domine : la hausse régulière du taux d’épargne – de 17,6% selon la Banque de France, de deux points supérieurs à la moyenne de la zone euro – exprime un manque de confiance en l’avenir.

Or, après l’irresponsable dissolution de l’Assemblée Nationale – dont le Chef de l’État a lui-même reconnu le caractère incompréhensible lors de ses vœux -,  puis la censure du gouvernement Barnier qui a plongé la France dans une errance budgétaire et économique, l’hypothèse d’une nouvelle censure refait surface dans les cercles politiques. Que penser du coût faramineux de 12 milliards d’euros avancé par la ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, pour évaluer les conséquences de la censure de décembre ? Difficile à vérifier. Mais c’est un fait : une censure se paie cash, en investissements – et donc en productivité – et en emplois.

Gilles Bridier