La démocratie du mensonge
Pour justifier leurs décisions, qui créent une situation politique dangereuse, les partis prennent avec la vérité des libertés hautement répréhensibles.
Ainsi le « Front républicain » contre le RN, qui s’est imposé contre toute attente lors des élections législatives, aboutit deux mois plus tard à la nomination d’un Premier ministre de droite sous surveillance RN. C’est l’exact contraire du seul message clair que les électeurs ont formulé lors de ce scrutin. Ce déni de réalité, il est vrai, est noyé sous la pluie de déclarations fausses répandue par les leaders de tous les partis, qui les transforme en un vaste club de Pinocchio au nez interminable. Reprenons :
L’Élysée assure que Michel Barnier était le seul candidat capable d’assurer la stabilité de l’exécutif face à une assemblée divisée. Faux : si la gauche dépose une motion de censure et que le RN la vote, le gouvernement tombe. Drôle de stabilité, donc. Cazeneuve, dans ces conditions, eût été tout aussi stable que Barnier, sinon plus : il fallait, pour le renverser, la conjonction d’une grande partie de la gauche, de la droite et de l’extrême-droite. Arithmétiquement possible, mais politiquement malaisé : ce faisant, la gauche aurait dû rejeter un gouvernement de centre-gauche et faciliter ainsi le retour de la droite.
Marine Le Pen proclame qu’elle n’est pour rien dans la nomination de Barnier. Faux : Bardella a déclaré à la télévision qu’il n’y avait pas eu de « contacts directs » entre sa cheffe et l’Élysée. C’est reconnaître l’existence de contacts indirects, ce que plusieurs enquêtes de presse viennent accréditer. Le RN a donc mis la main à la nomination.
La gauche affirme que le RN peut renverser Barnier quand il veut. Faux : comme on vient de le dire, il faut une alliance de fait entre gauche et RN, ce qui n’a rien de couru d’avance. Le RN peut certes renverser le gouvernement, mais pas « quand il veut ».
La gauche soutient aussi qu’elle n’est pour rien dans l’élimination de Cazeneuve. Faux encore : quand Faure et Mélenchon ont cru – un instant – que Cazeneuve avait une chance, ils ont tout fait pour le discréditer. Il était trop à droite, disaient-ils ou faisaient-ils dire. Faux encore. Pour dédouaner le PS de l’échec de Cazeneuve, Chloé Ridel, membre de la direction, a déclaré qu’il était trop à gauche pour les centristes (alors même qu’une bonne partie d’entre eux l’auraient accepté). Contradiction manifeste entre cette proche de Faure et son chef.
Jean-Luc Mélenchon proclame « qu’un immense fleuve humain » a défilé samedi pour demander la destitution de Macron. Faux toujours : les chiffres donnés par LFI sont de toute évidence gonflés et la manifestation n’a remporté qu’un succès d’estime (ce qui n’est déjà pas mal, inutile de tomber dans l’outrance).
On pourrait continuer longtemps, ce qui deviendrait lassant. Il n’en ressort qu’une seule conclusion : le fossé entre les électeurs et leur classe politique ne cesse de s’élargir.