La démocratie est-elle soluble dans la connerie ?
L’apothéose de Donald Trump a peut-être une explication toute simple : une épidémie de bêtise…
par François Forestier

On le sait : c’est le pire système politique du monde, à l’exception de tous les autres. La démocratie permet aux riches, aux pauvres, aux grands, aux petits, aux hommes, aux femmes, aux prolos, aux aristos, aux boulangers et aux coureurs automobiles, de s’exprimer. Un vote, une voix. En principe. Mais selon quel critère ? De Gaulle, parce que c’était un géant. Churchill, parce qu’il était historique. Macron, parce qu’il était jeune. JFK, parce qu’il était séduisant. Hollande, parce qu’il était normal. Les raisons sont multiples, toujours surprenantes, pas forcément logiques.
Et puis la démocratie s’assaisonne comme on veut, même pour la pervertir. Poutine en fait une plaisanterie, Castro un plébiscite obligatoire, Assad un prétexte, et Berlusconi une blague. La démocratie, tant recommandée par les médicastres politiques, s’exporte mal : en Afghanistan, en Haïti, au Soudan, il y a rejet. Il a fallu inventer, dans certains cas, la démocratie sans le peuple (en effet, pourquoi traîner ce boulet, le populo ?), ou la démocratie du plus fort en gueule (on a des exemples). Mais là, aux États-Unis, on est dans les sommets, dans l’Himalaya des bourrins.
En l’occurrence : Donald Trump. Voilà un gars qui ne paie pas ses impôts, qui insulte les juges, qui se tape des prostituées, qui a été condamné pour viol, qui est inculpé de fraude, qui bouffe des McDo à la chaîne, qui triche au golf (son prof de golf dit : « Ce qu’il fait au golf, il le fait à l’Amérique »), qui incite les malades à s’injecter de l’eau de Javel en cas de Covid, qui se maquille comme un camion mexicain volé, qui veut acheter le Groenland, faire main basse sur le canal de Panama, rafler le Canada, qui estime que l’insurrection du Capitole était une « fiesta d’amour », qui fait libérer les crapules d’extrême-droite, qui n’arrête pas de bidonner n’importe quoi du matin au soir, et qui balance son ketchup contre les murs de la Maison Blanche en cas de petite colère (je n’invente rien), voilà donc ce phénomène élu grâce à la démocratie américaine. Bref, il y a 74 millions d’Américains, dont 301 grands électeurs qui ont voté pour ce bouffon.
Depuis, pas un jour ne se passe sans une nouvelle surprise : la diversité, l’écologie, la morale, les étrangers, les fonctionnaires, le rap, les Chinois, pourquoi se pourrir la vie avec tout ça ? L’ancienne star de la télé-réalité, qui se prend pour Donald Trump (ses scénaristes ont construit ce personnage de fiction gueulant : « You’re fired ! ») est désormais à Washington, soutenu par le king des réseaux sociaux, Elon Musk, lequel ne se prive pas de faire le salut hitlérien, des fois qu’il y aurait un doute.
D’où ma question : mais par quel tsunami de couillonnade, quelle fièvre de dinguerie, les électeurs ont-ils pu voter pour un escroc qui va leur faire les poches, les traiter comme du lisier, les rouler dans la farine, les prendre pour les bas de plafond qu’ils sont ? Hypnose d’un peuple entier, contamination nazie, folie transitoire, virus RésoSociaux ? Allez savoir. Les seigneurs de l’industrie, les survoltés du fascisme, les adeptes du pas de l’oie se précipitent à Mar-a-Lago pour faire la révérence et toucher le sol du front. Tout est possible et on peut même craindre que Trump fera sauter les restrictions de la Constitution et voudra se maintenir comme président à vie, comme Jean-Claude Duvalier (14 ans au pouvoir), Mao (26 ans), Kim Il Sung (45 ans), Francisco Franco (39 ans), Soekarno (21 ans) ou Khadafi (41 ans). Les grands aînés, quoi.
Cette année, c’est nouveau, ça vient de sortir, on vient d’inventer la démocratie des cons. Le bidule va servir, croyez-moi.