La droite sénatoriale contre l’écologie

par Malik Henni |  publié le 29/05/2025

Grâce à un tour de passe-passe parlementaire, LR aidé par les macronistes a coupé court au débat sur une loi allégeant les normes écologiques imposées à l’agriculture. Une victoire du lobby de l’agro-business.

Rassemblement contre la loi Duplomb à Paris le 27 mai 2025, organisé par le WWF, générations futures, greenpeace, CIWF France, confédération Paysanne, ATTAC. Cela fait suite à la motion de rejet du projet de loi à l'Assemblée nationale. (Photo by Gauthier Bedrignans / Hans Lucas via AFP)

La loi Duplomb, du nom du sénateur LR qui a servi de passe-plats aux lobbys agricoles, a subi une manœuvre parlementaire inédite. Pour contourner les 3500 amendements déposés principalement par LFI et les Verts, le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale a demandé et obtenu le vote d’une motion de rejet. Main dans la main, bloc central, droite et extrême-droite ont donc voté pour envoyer le texte à une futur commission mixte paritaire, où la domination de la droite sénatoriale permettra une adoption sans suspense.

Le symbole est terrible : la chambre élue au suffrage universel direct est contournée par une manipulation juridique pour complaire à un lobby mortifère. Car le coup de pression des agriculteurs et de la FNSEA, dont le patron Arnaud Rousseau a pris la parole devant le palais Bourbon, avait les airs de la menace. La figure de l’agro-business a plaidé pour une harmonisation des règles européennes, forcément nécessaire dans un marché unique. Seule attitude digne dans ce débat assiégé par les tracteurs, celle de la ministre de la Transition Écologique Agnès Pannier-Runacher, qui a fait fi des pressions en rappelant son opposition à la réintroduction des néonicotinoïdes.

Cette loi met en danger la santé des Français, la qualité de ses sols et la protection de la faune et de la flore. Alors que notre pays est le troisième qui autorise le plus de pesticides dans l’UE, était-ce nécessaire d’en autoriser de nouveaux, après une interdiction de 6 ans ? La recherche d’alternatives et la promotion de l’innovation ont été purement et simplement repoussées, au bénéfice d’une industrie chimique dont les effets sur la santé ne sont pas encore bien connus. Aucun effort n’est demandé aux agriculteurs : le plan Ecophyto, qui devait permettre de baisse de 50% de la quantité de produits phytosanitaires, n’a pas été tenu. Le Gouvernement et la Commission européenne ont au contraire changé l’indicateur en cours de route pour faire croire à une baisse alors que la réalité est tout autre : la consommation de ces produits a augmenté de 10% entre 2008 et 2022 ! Pire, ces produits plombent d’autres productions, comme celle du miel : les néonicotinoïdes désorientent les abeilles, faisant chuter le rendement des apiculteurs. Or, sans abeilles, point de pollinisation et donc de récolte.

Les défis sont immenses pour l’agriculture française : la mutation de son mode de production tourné vers l’exportation à celle d’une agriculture raisonnée n’a pas été enclenchée. Regardons les tracteurs et les machines qui campaient devant le Palais Bourbon : aucun modèle électrique n’a pour l’instant été inventé. Les sols sont bourrés de microplastique et 19% des émissions de CO² sont provoquées par le secteur agricole. Cette réalité environnementale ne doit pas en cacher une autre : les agriculteurs de 15 à 65 ans ont un risque de se suicider 30% supérieur aux autres catégories professionnelles et un quart vivent sous le seuil de pauvreté. Au lieu de caresser la FNSEA et la Coordination rurale dans le sens du poil, le Gouvernement devrait plutôt réfléchir à offrir aux exploitants un autre avenir que celui de l’exploitation de sols pollués entre deux chimiothérapies.

Malik Henni