La faute du pape

par Bernard Attali |  publié le 18/12/2024

J’ai le plus grand respect pour le pape François. Mais cela ne m’interdit pas de juger malencontreuses certaines de ses initiatives récentes.

Le pape François et Emmanuel Macron, à l'aéroport d'Ajaccio, le 15 décembre 2024 (Photo de Ludovic Marin / POOL / AFP)

Que sa Sainteté refuse de participer à la cérémonie de réouverture de la cathédrale de Notre Dame est inélégant, mais c’est son droit. Qu’il ait voyagé en Corse sur la compagnie régionale Air Corsica plutôt que sur la compagnie nationale Air France c’est une provocation contraire aux usages[1], il est vrai anecdotique .

Mais qu’il ait profité de ce voyage pour prôner une laïcité « évolutive » et « dynamique » au pays des Lumières est pour le moins ambigu. Je suis surpris qu’aucune autorité de la République ne l’ait relevé. D’abord parce que ces termes flous sous-entendent que la France applique une laïcité rigide et passéiste. Ce qu’il faut contester sans relâche. La laïcité à la française vise d’abord – et avant tout – à assurer croyants et incroyants de la neutralité de l’État en matière de foi religieuse. C’est la condition même de leur liberté de conscience. Celui qui fait semblant d’oublier cette vérité première commet une faute. Particulièrement dans un pays où des minorités religieuses se font de plus en plus bruyantes voire agressives. Samuel Paty est mort égorgé pour l’avoir rappelé. C’est une faute de l’avoir déjà oublié, comme pour Daniel Bernard et le père Hamel. 

Personnellement je ne crois pas que la laïcité ait besoin de souplesse, ni d’un quelconque adjectif d’ailleurs ! Elle est ou elle n’est pas. Tous les pays qui ont cru pouvoir adopter une définition accommodante ont sombré dans le communautarisme. En Belgique, aux Pays Bas ou encore au Canada, on n’en finit pas de le regretter. Il y a une limite à la tolérance, c’est l’intolérable. Oui, c’est une faute de faire semblant d’ignorer que le fanatisme religieux est redevenu un danger pour notre société. Et c’est une faute d’autant plus grave quand elle est commise délibérément – j’allais dire benoîtement -, par une des plus hautes autorités morales de la planète.


[1] C’est ce que m’a rappelé Michel Rocard, le Premier ministre de l’époque, lorsqu’il m’a demandé de ramener sa Sainteté Jean Paul II, de Strasbourg à Rome, en octobre 1988, à bord de la compagnie nationale.

Bernard Attali

Editorialiste