La fin du Nouveau Front Populaire

par Laurent Joffrin |  publié le 07/10/2024

Si tant est qu’il l’ait été, le programme du NFP n’est plus applicable. La campagne de LFI sur le Proche-Orient et la déroute financière qui menace la France l’ont achevé.

Laurent Joffrin

La gauche doit se rendre à l’évidence : son programme, déjà très contestable, ne tient plus du tout la route. Il s’agit d’abord de sa politique étrangère, qui n’existe plus. Un simple indice l’atteste : le mot d’ordre lancé par Jean-Luc Mélenchon, qui demande aux étudiants de déployer « partout » des drapeaux palestiniens à partir du 8 octobre.

Que signifie-t-il ? Qu’après une journée de décence pour respecter – un peu – les victimes de l’attaque du 7 octobre, la gauche selon LFI devrait prendre une position unilatérale de soutien total aux Palestiniens, sans autre précision, ce qui revient à se placer sans nuance du côté du Hamas et du Hezbollah. Quel gouvernement responsable prendrait une position aussi simpliste ? Traditionnellement, la France tient dans le dossier proche-oriental une position d’équilibre, qui rejette les menées terroristes d’un côté et les excès israéliens de l’autre, pour ouvrir la voie à une négociation réaliste sur les « deux États ». Pour des raisons qui lui sont propres – idéologiques et électorales – LFI exige de la gauche qu’elle rompe cet équilibre, ce que les socialistes ne peuvent accepter. Déjà profondément divisé sur la question européenne, le NFP n’a donc plus de politique étrangère : sur ce sujet au moins, l’alliance est caduque.

L’autre événement qui s’impose à tous, c’est la découverte d’un déficit de quelque 6% du PIB pour 2024, jusque-là dissimulé ou ignoré par l’incompétence macronienne. Du coup, l’augmentation massive des dépenses publiques (on parle de 150 milliards), qui forme la colonne vertébrale du programme NFP, déjà très dangereuse, apparaît comme tout simplement lunaire.

Les défenseurs du NFP diront qu’ils prévoient une augmentation symétrique des impôts. C’est oublier deux choses : les mesures aujourd’hui prévues se heurteront immanquablement à la censure du Conseil constitutionnel ; elles reposent sur l’hypothèse purement arithmétique selon laquelle les entreprises visées et les détenteurs de hauts patrimoines resteront sans réagir. Or il est probable qu’ils engageront un processus de fuite des capitaux qui réduira d’autant la masse imposable. Certes, il est tout à fait possible d’accroître le prélèvement sur les plus aisés au-delà de ce que prévoit le gouvernement Barnier. Mais, sauf à risquer une crise financière majeure, pas dans les proportions indiquées dans le contrat commun de la gauche. Celui-ci est donc, une deuxième fois, caduc.

Autrement dit, si elle veut gouverner (cela peut se produire plus vite qu’on ne croit en cas de dissolution), la gauche doit renégocier en profondeur son programme. Ou bien s’en tenir – ce qui paraît plus raisonnable – à une simple alliance électorale entre gauche réformiste et gauche radicale, chacun concourant sur la base d’un programme autonome.

En tout état de cause, le projet du NFP ne tient plus. Si bien que cette alliance dominée par LFI ressemble désormais à ces personnages de dessin animé qui continuent de courir comme si de rien n’était, alors qu’ils sont au-dessus du vide.

Laurent Joffrin