La garde nationale à Los Angeles : le moment Reichstag ?
Barack Obama a expulsé bien plus de migrants illégaux que Trump mais il l’a fait sans violer les droits des personnes ni la Constitution des États-Unis. Inutile et dangereux, le recours à la garde nationale est une nouvelle étape dans l’instauration d’un régime autoritaire.
Décidé par Donald Trump, le déploiement de la Garde nationale à Los Angeles contre la volonté du gouverneur de Californie n’a aucune justification sécuritaire. Il n’a qu’une seule fonction : produire des images marquantes que le président pourra exploiter à son bénéfice.
En difficulté sur l’économie ou la diplomatie, Trump reprend la main sur le sujet qui a fait sa fortune électorale, en forçant les élus démocrates à prendre parti contre les forces de l’ordre mobilisées. Par contraste, il apparaît plus que jamais comme le président de l’ordre et les démocrates comme le parti du désordre. Il teste au passage les limites de son pouvoir et poursuit le changement de régime qu’il organise méthodiquement depuis sa réélection, ici en bafouant les droits des états, dont se prévaut pourtant en général le Parti républicain qui n’en est plus à un reniement près.
Comme pour tous les populistes démagogues, Trump oppose « nous » et « eux », les « patriotes » qui le soutiennent et les « cinglés d’extrême gauche » (« radical left lunatics ») qui s’opposent à lui, une catégorie où il range la presse, la justice et les universités. Beaucoup des électeurs de Trump ne sont pas dupes. Mais ils le soutiennent envers et contre tout car ils ont les mêmes ennemis.
En ce sens, les images en provenance de Californie sont un cadeau du ciel. Voir des immigrants défier la police en brandissant des drapeaux mexicains dans une grande ville cosmopolite comme Los Angeles est exactement le type d’image qui ravit Trump car elle épouvante ses électeurs. Et en faisant appel à la garde nationale, il bafoue l’autorité des élus démocrates honnis, au premier rang desquels Gavin Newsom, le gouverneur de Californie, un ennemi intime.
Cette escalade est extraordinairement dangereuse. Se posant en homme fort, Trump ne peut pas reculer. Il l’a fait sur les droits de douane ou la guerre en Ukraine. Mais s’agissant de l’insécurité, de l’immigration et de la guerre culturelle contre les démocrates, toute concession passerait extrêmement mal auprès de ses électeurs. Si bien qu’obsédée par l’image et les « vérités alternatives », cette administration peut conduire les Etats-Unis vers un chaos total.
Les jours qui viennent seront décisifs. Il suffirait d’une seule victime pour créer une situation incontrôlable qui pourrait pousser Trump à déployer d’autres troupes dans d’autres villes. Tout dépendra des réactions citoyennes dans le pays, et de l’attitude de la Garde nationale et des Marines. Pour décrire les populistes démagogues qui se multiplient dans le monde, Da Empoli a parlé avec raison des ingénieurs du chaos. Question angoissante : le chaos déclenché par Trump à Los Angeles est-il une simple escalade, ou bien, mutatis mutandis, l’équivalent yankee de l’incendie du Reichstag déclenché en 1933 par les nazis pour faciliter la mise en place de leur dictature ?



