La gauche au gouvernement ?
L’ensemble des ténors de la gauche sociale-démocrate, en activité ou en retrait, plaident tous pour une non-participation gouvernementale, attendant sagement 2027, gage de reconstruction électorale. Est-on certain du remède ?
Le caractère inédit de la crise politique rend difficile l’adoption de solutions innovantes. Dans la logique des institutions de la Ve république, la majorité gouverne, l’opposition critique et les cartes sont rebattues au prochain scrutin. Sauf qu’il n’y a plus de fait majoritaire et qu’un électeur sur deux se reporte sur les populistes.
Dans ce cas de figure, la nomination de François Bayrou est-elle véritablement un mauvais remake de celle de son prédécesseur ? C’est plus complexe. L’actuel locataire de Matignon est un défenseur du centre, qui fut longtemps l’apanage du centre-droit dans la culture politique française. Ce dernier a appelé à plusieurs reprises à voter pour un candidat de gauche au second tour de scrutins présidentiels. Dès lors, le grimer en Barnier bis ressemble à un raccourci commode pour s’éviter les questions qui fâchent.
En supposant que quelques postes clé tels l’éducation, la santé et l’économie, aient été proposés à des dirigeants socialistes d’envergure – simple supposition – fallait-il véritablement balayer cette offre d’un revers de main, en prenant le risque d’obtenir un recentrage à droite dans des champs aussi déterminants ?
Sur le plan européen, compte-tenu des périls actuels, un fédéraliste, issu de la démocratie chrétienne, famille politique ayant œuvré avec la social-démocratie à la construction et son approfondissement, peut-il être rapproché de la famille LR dont l’europhilie de raison est souvent contrariée, ne serait-ce que par un gaullisme décontextualisé et dévoyé ? Là encore, à l’heure où le débat central du continent oppose Draghi et les tenants des investissements, de la mutualisation et d’un abaissement des taux de la BCE contre les partisans outre-rhin d’une cure austéritaire emmenée par la CDU et la cour de Karlsruhe, la présence de Bayrou à la tête d’un double exécutif rééquilibré à son bénéfice, en lien avec le parlement, aurait peut-être mérité une réflexion plus poussée. Le délabrement avancé du système éducatif et une jeunesse en mauvais état psychique peuvent-ils attendre une hypothétique victoire progressiste en 2027 pour que l’on vienne enfin à leur chevet ?
Se contenter d’attendre dans ses 22, comme on le dit au rugby, revient à ne pas prendre au sérieux l’urgence des crises qui s’empilent. Or, le risque, comme l’explique Lionel Jospin ce lundi matin sur les antennes de France Inter, est davantage réactionnaire que révolutionnaire. J-L Mélenchon, perdu pour la République comme pour la gauche, peut le rabâcher tous les matins depuis quinze ans à la manière des prophètes annonçant la fin du monde, la révolution n’est pas hâtée pour autant.
Qu’en sera-t-il du sentiment de désordre d’ici six ou douze mois si ce gouvernement s’enferme dans la paralysie, avec un encours de la dette qui grimpe, un chômage qui reprend et des réformes impossibles, sans aucune amélioration en termes de justice sociale ? Nul ne saurait prévoir dans un contexte aussi fragile, les oscillations d’une opinion fatiguée d’observer les feuilletons successifs de compositions gouvernementales faites et défaites en un temps record.
Dès lors, la gauche républicaine, sociale-démocrate, doit faire la preuve de son utilité au chevet du pays. Qu’elle s’y refuse comme caution pour un maroquin subalterne et symbolique peut parfaitement s’entendre, qu’elle adopte une position de principe refusant tout en bloc, est moins intelligible à large échelle, à moins qu’elle ait un plan B. Olivier Faure, toujours en recherche d’identité, en possède-t-il seulement un en dehors du NFP moribond dont le programme économique était déjà caduc il y a six mois ?