La gauche découvre le compromis
Après avoir exigé la mise en oeuvre intégrale de son programme, le Nouveau Front Populaire reconnaît publiquement qu’il doit composer avec d’autres forces. En somme, il découvre la lune.
« Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités ». Voilà un adage gaullien que les chefs de parti, à gauche notamment, auraient pu méditer plus tôt. La réalité politique, que tout le monde, somme toute, a fini par constater, c’est que la gauche est arrivée en tête des législatives, mais qu’il lui manque une petite centaine de députés pour constituer une majorité stable. Même chose, peu ou prou, pour toute autre coalition, à moins d’imaginer une majorité du type « union nationale » qui est pour l’instant récusée de tous côtés.
Il n’y a donc pas de politique possible sans compromis. Cette évidence qu’il a refusé de voir pendant des jours et des jours, le NFP a fini par l’admettre. Comme le reconnaît Lucie Castets dans Libération : « évidemment, on ne peut pas dire aujourd’hui : ce sera ce que nous proposons et seulement en nos termes. » Admirable lucidité, qui contredit directement le « tout le programme, rien que le programme » de Mélenchon. Mais pourquoi avoir nié aussi longtemps cette lapalissade : quand on n’est pas majoritaire seul, on est minoritaire ? La gauche aurait-elle adopté de ce point de vue – obligatoire, les choses étant ce qu’elles sont – qu’elle serait aujourd’hui en bien meilleure position. Nouvel effet de la rhétorique radicale…
Encore faut-il maintenant qu’une autre réalité ne vienne pas contrecarrer ces bonnes dispositions : autant qu’on puisse en juger, les autres forces politiques présentes au Parlement sont prêtes à voter la censure si on leur présente un gouvernement comprenant des ministres LFI. Si cette volonté se confirme officiellement, Emmanuel Macron aura beau jeu de s’appuyer sur ce fait – aussi critiquable soit-il aux yeux de la gauche – pour retoquer l’idée d’un gouvernement NFP. « Je n’y peux rien, dira-t-il, vous avez une majorité contre vous. Je dois trouver une autre solution ». La gauche aura beau pousser les hauts cris, rien n’y fera. Il est des moments où l’arithmétique est implacable.
À moins, bien sûr, que les Insoumis, constatant ce fait politique, en tirent les conséquences. Comme l’ancien Front populaire, le nouveau jouerait la carte du « soutien sans participation ». À l’instar du Parti communiste en 1936, la France insoumise renoncerait à avoir des ministres et laisserait le gouvernement vivre sa vie. Nous aurions alors une majorité de centre-gauche, qui vaut mieux à tout prendre, qu’une majorité de droite ou de centre-droit. Mais, connaissant les mélenchonistes, nous entrons là dans la politique-fiction ou, plus exactement, dans le domaine du rêve.