La gauche en panne
L’échec spectaculaire du défilé de samedi dernier pour la destitution du président montre que la gauche doit réviser d’urgence sa stratégie.
Il ne faut pas avoir peur des mots : la manifestation convoquée samedi dernier par LFI, écrit Libération, a réuni « une petite foule ». Une manière polie de dire que ce défilé qui devait ameuter les démocrates de France pour exiger la destitution du Président de la République, n’a attiré que trois pelés et quatre tondus. C’est-à-dire qu’elle se solde par un flop retentissant : Macron peut dormir tranquille.
Il y a bien un moment où l’on se rendra compte que les mots d’ordre aventuristes de l’extrême-gauche ne mènent à rien, sinon à user inutilement la capacité de mobilisation des citoyens de bonne foi. Il y a assez à dire sur le comportement d’Emmanuel Macron depuis la dissolution pour ne pas y ajouter cette grotesque idée selon laquelle il faudrait le destituer d’urgence. Macron a interprété de manière biaisée le vote démocratique, amusé la galerie de manière irresponsables pendant tout l’été et nommé un gouvernement zombie arrimé à droite avec la bénédiction du RN quand le pays avait justement récusé le parti d’extrême-droite en votant pour un « front républicain ». Certes.
Mais c’est pousser très loin le bouchon que de prétendre qu’il a violé la constitution. Celle-ci lui laisse le loisir de nommer le Premier ministre, c’est un fait incontournable, il revient ensuite au Parlement de se prononcer souverainement sur cette nomination, qu’il peut annuler à volonté. Ainsi va la Vème République, régime plus parlementaire qu’on le croit souvent. Les simagrées macroniennes valent dénonciation politique, réquisitoire civique, mais non destitution. C’est abuser une nouvelle fois les électeurs que d’agiter une menace hénaurme qui n’a aucune chance de se matérialiser. Ceux-ci l’ont fait savoir en délaissant de manière spectaculaire la manifestation de samedi dernier.
Ce qui laisse à la gauche tout entière un goût amer devant le bilan de cette crise estivale. La tactique abrupte choisie par le Nouveau Front Populaire – « tout le programme, rien que le programme », « Castets ou personne d’autre à Matignon », n’a finalement rien donné. Au lieu de mobiliser à la base, elle a créé une division dommageable entre les jusqu’au-boutistes – qui ne sont pas seulement à LFI – et ceux qui cherchaient une solution crédible. Comment en eût-il été autrement quand le NFP s’évade de la réalité pour réclamer le monopole du pouvoir alors que la gauche rassemble moins d’un tiers de l’électorat et une courte majorité relative à l’Assemblée ?
Qui sera assez courageux pour tirer le bilan de ce ratage éclatant ? Les tactiques activistes de la radicalité sont de toute évidence contre-productives et n’ont d’autre effet que de nourrir la propagande la droite et de l’extrême-droite. On ne gagne pas les élections à coups de slogans creux et de mots d’ordre outranciers. On cherche à construire une majorité alternative autour d’un projet de réforme crédible et d’actions au jour le jour vigoureuses mais rationnelles. Il est temps que cette ligne s’impose aux partis de gauche, faute de quoi ils subiront bien d’autres déconvenues semblables à celles de samedi dernier.