La honte va-t-elle changer de camp ?
Malgré le formidable écho du procès des violeurs de Mazan et la mobilisation d’une société effarée, de vieux réflexes perdurent, jusqu’au sein du gouvernement.
Le procès des violeurs de Mazan continue d’apporter son lot de détails accablants. Les Français se passionnent pour les tenants et aboutissants d’une affaire sidérante, la victime, Gisèle Pélicot est devenue une icône mondiale, des hommes commencent à réagir, allant jusqu’à signer une tribune pour assumer leur part de responsabilité collective. On peut donc espérer que rien ne sera plus comme avant. La honte va-t-elle enfin changer de camp ? Voire…
On n’est pas rassuré quand on entend la litanie des déclarations des accusés contestant avoir violé la femme de Dominique Pélicot. Ils invoquent une « mise en scène », un « jeu sexuel », une « absence d’intention de violer », une « relation à trois », un « délire du couple »…Chacun a une bonne excuse. Ils se défendent, certes, mais les arguments laissent pantois. L’attitude du président du tribunal est également troublante. Alors que Gisèle Pélicot, très courageusement, a tenu à ce que le procès ne se déroule pas à huis clos, le patron de la Cour a décidé que certaines vidéos ne seraient pas diffusées en public. Protégeant ainsi les accusés du regard effaré et choqué des citoyens venus assister aux séances.
Les photos de l’intimité de Gisèle Pélicot ont en revanche été montrées, entrainant sa colère quant à leur interprétation, certains y voyant la preuve de sa complicité avec son mari. Une avocate de la défense n’a-t-elle pas lancé à la victime qui exprimait son indignation : « Vous êtes aussi responsable de cette diffusion ! ». La robe noire en question, Me Nadia El Bouroumi, a encore choqué en postant une vidéo d’elle-même dansant sur la musique d’une chanson dont le refrain parait pour le moins inapproprié vu le contexte : « Wake me up before you go » (Réveille moi avant de partir). Quant aux familles, on les entend s’enfoncer dans le déni : « Ce n’est pas un violeur », jurent-elles les unes après les autres en parlant des accusés.
L’un d’eux a tout de même fait progresser le débat. Interrogé sur le consentement de la victime, Cyrille D. a reconnu ne pas l’avoir eu. Avec ce commentaire : « Dans les années futures, on apprendra cela dans les écoles. C’est vrai, je suis passé outre ce consentement. La femme n’appartient pas à l’homme ». Une prise de conscience est-elle possible à plus grande échelle ? Les 200 hommes qui viennent de signer une feuille de route contre la domination masculine (parmi lesquels l’écrivain Gaël Faye et l’acteur Gilles Lellouche) ont le courage d’écrire : « L’affaire Pélicot nous l’a prouvé, la violence masculine n’est pas une affaire de monstres, c’est une affaire d’hommes, de monsieur Tout-le-Monde… Tous les hommes, sans exception, bénéficient d’un système qui domine les femmes. Et puisque nous sommes tous le problème, nous pouvons tous faire partie de la solution ».
Cette hirondelle fera-t-elle le printemps ? La présidente centriste de la délégation aux droits des femmes du Sénat, Dominique Vérien, note un point positif : « Je n’ai jamais vu autant d’hommes réagir ». Son homologue macroniste de l’Assemblée nationale sortante, Véronique Riotton, qui se représente la semaine prochaine, souhaite introduire la notion de consentement dans le code pénal, idée à laquelle Emmanuel Macron s’était rallié le 8 mars dernier. « Mais cela dépendra du nouveau gouvernement…», lâche l’élue dont le dossier sur ce point est pourtant prêt. Le ministre de la Justice, le progressiste Didier Migaud sera peut-être un allié. Pour le reste de l’équipe, on a des doutes sur la motivation de nombre de ses membres. Il y a tant d’autres problèmes à régler, n’est-ce-pas. ?
Et ceux des femmes ne sont manifestement pas sur le haut de la pile. On n’applique déjà pas les lois existantes, sur l’éducation sexuelle ou la pornographie. Alors, réformer le code pénal… Il y faudrait une forte volonté politique. Que pèsera la nouvelle secrétaire d’Etat à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Salima Saa ? Ironie de l’histoire, en étant reléguée au 38ème rang dans l’ordre protocolaire, elle arrive juste avant une autre femme, avec qui elle partage la queue du peloton gouvernemental, Clara Chappaz, chargée du Numérique. Quand on sait que ce secteur a besoin d’urgence d’être régulé pour y protéger les femmes et sanctionner les dérives du masculinisme toxique, on mesure le chemin qui reste à parcourir…