La Muette : les silences de l’Occupation
Ce roman graphique d’une rare intensité relate les entrailles de la prison de la Muette, à Drancy, décrite comme “l’antichambre de la mort” au cours des persécutions nazies en France.
La Muette est une bande dessinée qui parle bas mais qui frappe fort. Un véritable document historique, très fouillé, porté par un scénario de Valérie Villieu et les illustrations pleines de panache de Simon Géliot, pour raconter l’une des pages les plus sombres de notre histoire nationale.
La sinistrement bien nommée “cité de la Muette”, à Drancy, fut en effet ce lotissement transformé en prison pour recevoir les victimes des rafles anti-juives durant l’Occupation. Derrière un nom que chacun rattache aux rafles et à la déportation, se cache en réalité une prison sordide, gérée par la police française collaborationniste pour le compte des Allemands, où toutes les nuances de misère, de lâcheté et d’horreur se sont déployées au fil de presque quatre années.
C’est donc l’histoire d’un bâtiment presque ordinaire en banlieue parisienne que raconte ce roman graphique. Bâtiment qui devient “l’anti-chambre de la mort” entre 1941 et 1944, lorsque quelque 63 000 des 76 000 enfants, femmes et hommes juifs déportés de France vers l’Allemagne transitent par Drancy.
L’univers carcéral, la violence et la bêtise des flics, la spirale vers l’horreur sous l’égide du chef SS Alois Brunner, les déchirements familiaux suite à la rafle du Vel d’Hiv : ce récit retrace les heures les plus sombres de l’Occupation avec précision, mais aussi une grande humanité. Et c’est justement le parti pris d’incarner l’histoire dans une succession de personnages inspirés de personnes réelles qui donne au récit une dimension bouleversante. Préfacée par l’historienne Annette Wieviorka, cette BD propose une œuvre historique aussi captivante qu’implacable.
La Muette, de Valérie Villieu et Simon Géliot, 304 pages, 32€, éditions de la Boîte à Bulles.
