La naissance de la French Connection
On croyait avoir tout vu sur la French Connection. Ce roman haletant nous raconte les débuts d’un trafic colossal.

Que Tanger ait été un nid d’espion et le lieu de tous les trafics, avant, pendant et après la seconde guerre mondiale, on le savait grâce au cinéma (« Guet-apens à Tanger », « Mission à Tanger », etc.). Que les truands de Montmartre ou de Marseille aient sévi dans les caves de la Gestapo et se soient refait une virginité après la Libération, y compris dans les services d’ordre gaullistes, on le savait également. Que Marseille ait été la plaque tournante de la «French Connection» dont l’objectif était d’inonder d’héroïne le marché américain, on le savait, enfin, depuis les films de William Friedkin.
Et pourtant, Les Loups de Tanger – écrit par Jacques de Saint-Victor, chroniqueur au Figaro Littéraire, historien du droit, spécialiste, entre autres, de la mafia – est haletant. Car le récit, diaboliquement mené, mêle tous ces ingrédients pour donner à voir un large panorama du crime qui commence dans les années 1950 pour raconter – non pas le démantèlement, que l’on connaît, grâce à Friedkin, de la « French Connection » -, mais sa naissance.
Tout commence en Méditerranée, en mars 1953, quand un cargo, le Combinatie, se fait pirater. À son bord, il y avait 2700 caisses de cigarettes américaines, un véritable pactole qui disparaît dans la nature. À Tanger, à Ajaccio, à Marseille, les victimes de l’opération s’énervent. Qui a fait le coup ? Qui a osé déranger ce trafic aussi peinard que juteux qui profitait jusque-là à tout le monde ?
Max, un journaliste d’investigation spécialisé dans le grand banditisme, décide d’enquêter sur place. Il embarque dans cette aventure un étudiant, un peu naïf et pas du tout préparé à l’action, Théo. Et c’est pourtant Théo, lequel a étudié l’histoire de la piraterie en Méditerranée pour sa thèse, qui va lancer l’idée que ce vol n’en est pas un : c’est une escroquerie à l’assurance. Un acte dit de «baraterie».
De fait, les cigarettes en question vont peu à peu faire leur réapparition entre la Corse et Marseille. Mais à Tanger, les clans rivaux s’entretuent. Max et Théo ayant été fouiner un peu trop loin dans les bas-fonds de Tanger sont en danger. Plutôt que de risquer leurs peaux, ils décident de rentrer à Paris.
Si Théo est prêt à oublier Tanger, Max, lui, ne lâche pas l’affaire. Car il est certain que cet acte de piraterie n’est qu’un leurre et qu’il cache un «gros coup» d’une toute autre ampleur. Il en est définitivement convaincu lorsqu’il découvre qu’à Naples, un certain Lucky Luciano semble tirer les ficelles. Cette fois, il ne s’agit plus de cartons de cigarettes, mais de sachets de l’héroïne la plus pure qu’on ait jamais vue sur le marché. Et ce sont les chimistes des laboratoires de Marseille qui la transforment mieux que personne. Mais, à mesure que Max et Théo s’approchent du cœur du réacteur, les réactions s’enchaînent. Violentes évidemment.
Les Loups de Tanger, de Jacques de Saint Victor, Calmann Lévy, 450 pages, 21,90€