La réinvention d’Emmanuel Macron

publié le 08/09/2024

Le président va devoir radicalement changer sa façon de gouverner et apprendre à jouer un nouveau rôle : celui d’arbitre de la République. Par Paul Nessim

Manifestation contre la « prise de pouvoir » d'Emmanuel Macron. Photographie Sandrine Laure Dippa / Hans Lucas

Depuis sept ans, Emmanuel Macron exerce son pouvoir sans le partager, ni avec ses députés, ni avec les élus locaux et encore moins en sollicitant l’avis des citoyens. Impérial et souvent impérieux, décidant de tout jusque dans les moindres détails, quitte à renvoyer ses ministres au rang de simples collaborateurs, il a incarné, jusqu’à la caricature, le rôle d’omniprésident. Quoique d’intelligence supérieure, il n’a pas intégré le fait que la France, nation révolutionnaire, peut se donner à un roi, mais peut aussi lui couper la tête.

Le pays connaît, surtout depuis l’étrange élection présidentielle 2022, une forte contestation sociale et politique. Elle s’explique, en partie, par une réélection mal assurée, une non-campagne, un refus de prendre en compte le front républicain qui l’a réélu et des législatives mal gagnées, pour ne pas dire perdues, qui ont débouché sur une majorité relative. Malgré tous ces éléments, qui auraient dû le convaincre de changer et de s’adapter, le président a continué à agir seul, durement, sans négocier, comme s’il avait une majorité absolue. Il a réédité l’erreur de Chirac en 2002 qui n’a pas tendu la main à tous les Français et partis qui ont permis sa réélection face à Jean-Marie Le Pen.

Maintenant qu’il a perdu les élections européennes et législatives, il acte enfin un changement majeur dans son itinéraire. En nommant Michel Barnier, qui est supposé agir librement, un homme expérimenté et très au fait des coulisses de la politique, il sait que rien ne sera plus comme avant. D’acteur principal et omnipotent, il devient un homme en retrait qui connaît la date de sa propre fin : 2027.

Il est condamné à se trouver un nouvel emploi : se retirer sur son Aventin élyséen et voir les élus agir, quitte à les observer en train de patauger. Une telle révolution copernicienne promet d’être difficile pour cette personnalité dominante, mais elle est nécessaire. Et s’il joue le jeu, elle peut lui être bénéfique : il peut, enfin, devenir un arbitre au-dessus des partis, tels que le voulait également de Gaulle, mais aussi un président d’expérience veillant à ce que les institutions soient stables et que les élus travaillent correctement dans une assemblée surchauffée et divisée.

Politiquement, il montre qu’il a fini par accepter, c’est la moindre des choses, le résultat des élections. Le Parlement reprend toute son importance, sans plus passer par ce président défait qui ne peut que constater les dégâts. Démocratiquement, il laissera respirer un pays qui en a bien besoin après un long septennat duquel on doit s’extirper pour, au moins, changer l’air. François Mitterrand, après tout, s’était régénéré durant les cohabitations qu’il a connues.

On dira que nous revenons à la IVe République. Certes. Mais on oublie souvent que ce régime, malgré des faiblesses institutionnelles évidentes et en dépit de son échec final à cause de la crise algérienne, a permis à la France de se relever et de se moderniser comme jamais : pensons aux trente glorieuses, au Havre reconstruit en dix ans, à la transformation de la société, à la construction européenne et, surtout, aux personnalités, ô combien compétentes qui ont gouverné à l’époque : Léon Blum, Pierre Mendès-France, Robert Schumann, Edgar Faure, Félix Gaillard et quelques autres.

Au fond, quelque chose de positif peut sortir de cette situation. En acceptant le verdict des urnes, le président Macron peut terminer son mandat sur une note décente et de ne pas laisser une image complètement abîmée à la postérité. À lui de décider.