La République mérite mieux

par Régis Poulain |  publié le 07/02/2025

Laurent Fabius quittera ses fonctions de président du Conseil constitutionnel en mars, suivi de deux autres membres. Emmanuel Macron souhaite remercier son compagnon de route Richard Ferrand. La République, les Français et le droit méritent mieux.

Richard Ferrand à Paris, le 18 octobre 2023. (Photo de Magali Cohen / Hans Lucas via AFP)

En Europe, la différence de prestige entre le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel frôle le ridicule. Alors que la juridiction suprême de l’ordre administratif est reconnue pour la qualité de ses arrêts et de la formation de ses membres, le Conseil constitutionnel est vu pour ce qu’il est : un salon de retraite agréable pour proche du pouvoir, où les débats juridiques volent aussi haut qu’un ciel d’orage est bas. Ses motivations en droit sont sommaires et fébriles, ses décisions parfois mal rédigées, et ce, malgré l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité en 2008 qui invite pourtant à davantage s’épancher sur les raisons d’une décision[1]

Or, cela tient tout simplement à l’absence de diplôme de droit des membres : Emmanuel Macron avait nommé en 2022 Jacqueline Gourault, certes ancienne sénatrice et ministre, mais dont la formation se limite à un diplôme d’Histoire. Le profil de Richard Ferrand n’est pas si différent, même s’il a, lui, regretté l’an dernier que le chef de l’État ne puisse pas se représenter pour un troisième mandat. Cette incompétence manifeste renforce l’idée du gouvernement de l’administration : les avis de feu le constitutionnaliste Guy Carcassonne se retrouvent si souvent dans les décisions du Conseil qu’il avait été surnommé « le 10ème juge ». 

Que dirait-on si Vladimir Poutine nommait à la Cour constitutionnelle de la fédération de Russie un homme sans diplôme de droit, qui a fait de juteuses affaires après son départ de la vie politique, proche du chef de l’État qui le récompense ainsi pour service rendu ? On en ferait des gorges chaudes, sans constater que la même chose arrive chez nous. 

Caligula aurait envisagé de nommer son cheval Consul pour se moquer de l’inactivité des sénateurs : le Président, qui n’a jamais tenu « l’autorité judiciaire », comme il aime à le rappeler, en haute estime, ne donne pas une impression différente. Il est temps que la Constitution française trouve des serviteurs à la hauteur de son rang : en Allemagne et en Autriche, les membres doivent être des juristes et sont proposés par les Assemblées. Loin du fait du prince de la Vème République et de l’illusion du choix offert par un impossible refus des 3/5èmes de la commission des Lois.


[1] À ce sujet, voir, Franc de Paul Tetang. « À propos de la qualité des décisions du Conseil constitutionnel (Réflexions à la lumière de la jurisprudence récente) ». Revue française de droit constitutionnel, 2016/4 N° 108, 2016.

Régis Poulain